Comment McDonald’s s’est imposé comme pilier de la lecture jeunesse en France
Quand le fast-food redessine la carte du marché du livre. À première vue, il s’agit d’un menu pour enfants. En réalité, c’est une stratégie d’influence culturelle et économique d’une ampleur peu soupçonnée. Depuis dix ans, McDonald’s distribue en France près d’un livre jeunesse sur cinq, grâce à son programme « Un jouet ou un livre » intégré au célèbre Happy Meal.
Lancé en 2015, ce dispositif a franchi un cap symbolique en 2024 : plus de 150 millions de livres ont été offerts, dont 25 millions sur la seule année écoulée. Une dynamique qui positionne désormais le géant américain en tête du marché de la distribution jeunesse, devant des acteurs traditionnels comme Amazon, Cultura ou la Fnac.
📈 Un levier économique… et une place de leader
McDonald’s est aujourd’hui le premier distributeur de livres jeunesse en France. En 2024, l’enseigne représentait environ 18 % des volumes totaux écoulés, contre seulement 9 % à ses débuts. Cette progression spectaculaire reflète un bouleversement silencieux des équilibres du secteur de l’édition.
Les effets économiques sont multiples :
- 150 millions d’unités diffusées, représentant une part significative de l’écosystème éditorial jeunesse français.
- Partenariat avec Hachette, incluant des auteurs à forte notoriété comme Marc Levy, Katherine Pancol ou Agnès Martin-Lugand.
- 100 000 euros de chèques-lire versés au Centre national du livre (CNL), dans le cadre d’un engagement soutenu autour du programme « Les Mercredis à lire ».
Ce modèle vertical – où McDonald’s commande, finance, distribue et valorise des contenus éditoriaux – constitue une forme inédite de mécénat marchand. L’opération est à la fois profitable pour l’image de marque de l’enseigne et structurante pour le circuit du livre jeunesse, particulièrement fragilisé par la baisse de lecture observée chez les jeunes publics.
Nous sommes à la recherche de moyens de toucher particulièrement des non-lecteurs issus de milieux familiaux modestes
explique Pascal Perrault, directeur du CNL.
🧒 Influence culturelle et controverses éditoriales
L’initiative séduit, mais elle interroge. Si près d’un enfant sur trois choisit aujourd’hui un livre plutôt qu’un jouet dans son Happy Meal, cette démocratisation massive n’échappe pas à la critique des milieux littéraires.
D’un côté :
- Des acteurs culturels comme le Salon du livre de Montreuil ou le ministère de la Culture saluent l’initiative.
- Des figures comme Sylvie Vassallo ou Régine Hatchondo reconnaissent l’impact social du programme.
- De nombreux enfants reçoivent leur “premier livre” via McDonald’s, dans un environnement où la lecture familiale est parfois absente.
De l’autre :
- Des voix s’élèvent contre le choix récurrent d’auteurs déjà très exposés.
- Certains acteurs de l’édition jeunesse dénoncent le manque de diversité éditoriale.
- Le rôle croissant d’une marque commerciale dans une mission éducative nationale pose question.
Parfois la lecture tient à très peu de choses. Un ouvrage trouvé dans un Happy Meal peut y contribuer
ajoute Pascal Perrault. Dans ce contexte, la stratégie de McDonald’s se révèle aussi culturelle qu’économique. En s’adossant à des partenaires reconnus, en finançant des programmes de lecture et en s’invitant dans les politiques publiques, l’entreprise a su occuper un espace laissé vacant par d’autres.
👁️ L’œil de l’expert : logique de convergence
L’opération Happy Meal – Livres illustre une nouvelle logique de convergence entre l’industrie culturelle et le marketing expérientiel. En moins d’une décennie, McDonald’s a su positionner son offre comme un point d’entrée vers la lecture, tout en consolidant sa marque auprès des familles.
Sur le plan économique, c’est une stratégie gagnante : coûts mutualisés, image valorisée, fidélisation client. Sur le plan sociétal, elle oblige à reposer la question du rôle des entreprises dans la diffusion des savoirs.
👉 Quand une enseigne de fast-food devient un acteur central de la médiation culturelle, le paysage change. Il reste à s’assurer que cette puissance serve une diversité réelle.
À propos de l'auteur
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