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Photo d'un airbag de la marque Takata, qui défraie la chronique dans l'industrie auto
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Airbags Takata : l’onde de choc financière d’un scandale industriel sans fin

Ce qui n’aurait dû être qu’un défaut technique s’est transformé en l’un des plus grands scandales industriels de l’histoire de l’automobile. Des millions de véhicules rappelés, des dizaines de morts, des milliards d’euros de pertes : l’affaire des airbags Takata n’a cessé de s’amplifier depuis ses débuts en 2008. Aujourd’hui encore, les conséquences se font sentir jusqu’en France, où l'État en appelle désormais à l’immobilisation de certains modèles pour cause de danger mortel. Au-delà du drame humain, c’est tout un système économique et industriel qui vacille, entre faillites retentissantes, gestion logistique hors norme et responsabilités juridiques encore floues. Retour sur une affaire où l’économie mondiale paie le prix d’une négligence technologique.

🚨 Une défaillance qui se transforme en bombe économique

Plus qu’un simple dossier technique, l’affaire des airbags défectueux Takata est devenue un gouffre économique et un casse-tête financier mondial, près de 17 ans après ses premières révélations. Le scandale, loin d’être clos, continue de produire ses effets dramatiques. Le 11 juin 2025, à Reims, une femme perdait la vie après le déclenchement fatal de l’airbag de sa Citroën C3, illustrant l’ampleur persistante du problème. Le drame a poussé le ministre des Transports, Philippe Tabarot, à exiger l’immobilisation immédiate de tous les véhicules concernés, dénonçant un « impératif de sécurité publique absolu ».

Stellantis, maison mère de Citroën et DS, se retrouve dans la tourmente : déjà 246 000 véhicules avaient fait l’objet de rappels en 2024, mais de nouvelles extensions sont venues s’ajouter en 2025. Le constructeur n’est qu’un pion dans une affaire mondiale qui a emporté fournisseurs, dirigeants et investisseurs.

Takata, aujourd’hui disparu, a laissé derrière lui un passif industriel et financier d’une ampleur rarement égalée. Sa technologie à base de nitrate d’ammonium, sensible à la chaleur et à l’humidité, a tué au moins 13 personnes en France, 27 aux États-Unis, et blessé plus de 400 autres. Ce gaz instable, mal maîtrisé, transforme l’airbag en engin explosif, même à faible vitesse.

📉 Faillites, rappels massifs et milliards envolés

La mécanique du désastre commence en 2008, lorsqu’Honda détecte les premiers dysfonctionnements. Mais ce n’est qu’à partir de 2014 que le scandale prend de l’ampleur, sous l’impulsion de la NHTSA, le régulateur américain. L’agence fédérale impose des rappels successifs et engage la responsabilité de tous les constructeurs liés à Takata : Ford, Chrysler, Toyota, Honda, Nissan, et des dizaines d'autres.

L’affaire Takata est devenue le plus vaste rappel automobile de l’histoire mondiale

résume Shigehisa Takada, petit-fils du fondateur, contraint d’en reprendre les rênes après le départ de Stefan Stocker.

En 2015, la facture commence à se chiffrer : Toyota rappelle 5 millions de véhicules, Nissan 1,56 million, Honda 12 millions. Ce dernier paie le prix fort, à la fois en termes d’image et de trésorerie, jusqu’à provoquer la chute de son PDG, Takanobu Ito.

L’année suivante, Takata subit le coup de grâce : 70 millions d’euros d’amende immédiate infligée par la NHTSA, avec 130 millions supplémentaires suspendus. Obligée d’interrompre la production de ses airbags, la firme japonaise vacille, engloutie par 8 milliards d’euros de dettes. En juin 2017, la faillite est prononcée, et les actifs sont bradés à l’américain Key Safety Systems pour 1,4 milliard d’euros. Le géant industriel fondé en 1933 est radié de la Bourse de Tokyo dans la foulée.

🛠️ Un casse-tête logistique et juridique

Aujourd’hui encore, plus de 2,3 millions de véhicules circulent en France avec des airbags à risque, selon le ministère des Transports. Malgré des campagnes de rappels répétées, la logistique reste titanesque : les modèles concernés s’étendent sur plus de 30 marques, dont Audi, BMW, Citroën, Tesla, Toyota, Volkswagen, Peugeot, et bien d’autres.

Nous avons recensé 30 accidents en France, pour 13 morts confirmés. Mais le chiffre réel pourrait être plus élevé dans les prochains mois 

prévient le parquet de Paris, en charge des procédures liées à l’affaire. Outre les frais d’immobilisation, les constructeurs doivent gérer la remise en état, le stockage, le remplacement et l’information des propriétaires. Une procédure complexe, souvent ralentie par le manque de pièces ou l’absence de réponse des clients. À cela s’ajoute la crainte d’une responsabilité pénale, qui pousse les marques à appliquer des mesures de « stop drive », comme exigé en juin 2025 par Philippe Tabarot. C’est tout un pan de l’industrie automobile qui est contraint de mobiliser des moyens colossaux pour gérer un héritage industriel toxique.

Le scandale Takata aura aussi des impacts durables sur les normes de certification, les choix de matériaux et la relation fournisseur-constructeur dans le secteur automobile. À l’heure de la montée en puissance des véhicules électriques et autonomes, cette affaire rappelle cruellement que la sécurité passive n’est jamais acquise, et que l’innovation à bas coût peut coûter des vies… et des milliards.

👁 L’œil de l’expert : un trou dans les comptes… et dans la confiance

L’affaire Takata est exemplaire à plus d’un titre : elle montre comment une innovation mal maîtrisée, combinée à une stratégie de production à bas coût, peut se transformer en crise industrielle, financière et juridique globale. À l’échelle macroéconomique, le scandale a provoqué des pertes cumulées de plusieurs dizaines de milliards d’euros dans l’industrie automobile mondiale. Il pose aussi la question du suivi des technologies embarquées sur la durée : comment assurer la sécurité d’un composant 15 ans après sa fabrication ? Et à qui revient la responsabilité lorsque le fabricant a disparu ?

Les États, les constructeurs et les consommateurs en paient encore aujourd’hui le prix. Et il y a fort à parier que les leçons de Takata pèseront sur les choix futurs en matière d’équipement, de gestion des risques industriels et de gouvernance des fournisseurs.

À propos de l'auteur

Des années d’expérience et d’expertises financières, Fabien MONVOISIN est PDG du Groupe Win’Up composé de 4 enseignes spécialisées dans le regroupement de crédits, son ambition aujourd’hui est de décrypter l’actualité économique et financière dans l’objectif d’éclairer tous les Français