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Photo de grues au milieu d'un chantier d'immeubles en construction, en France
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Bâtiment en crise : la suspension de MaPrimeRénov’ déclenche la colère explosive du secteur

La décision du gouvernement de geler temporairement le dispositif MaPrimeRénov’ provoque une onde de choc dans le monde du bâtiment. Annoncée par le ministre de l’Économie Éric Lombard, cette suspension annoncée pour le 1er juillet est justifiée par la lutte contre les fraudes massives, mais elle menace de mettre à genoux des milliers d’entreprises artisanales. Les professionnels dénoncent un manque total de lisibilité, une mise en péril de leurs activités et menacent ouvertement de passer à l’action. « On a des grues, on a des voitures, les manifestations, on sait les organiser aussi », prévient Philippe Servalli, président de la FFB Grand Paris. 🚧

🔍 Un dispositif accusé de dérives

La principale justification avancée par le gouvernement pour suspendre MaPrimeRénov’ est la hausse préoccupante des fraudes. Selon Éric Lombard, 16 000 dossiers frauduleux ont été recensés. Mais pour les acteurs du secteur, cette dérive est largement liée à la complexité croissante du système, et notamment à l’ajout d’intermédiaires.

C’est nous qui avons alerté sur les fraudes, pas l’État

dénonce Olivier Salleron, président de la Fédération française du bâtiment (FFB). Selon lui, les « accompagnateurs Rénov’ », parfois installés à l’autre bout du pays, sont incapables de vérifier correctement les chantiers. Il pointe du doigt l'inefficacité du dispositif :

Il y a des fraudeurs parce qu’on a mis un intermédiaire en plus. Qui vérifie ?

Plus grave encore, Salleron s’étrangle :

Le budget n’est même pas consommé qu’on arrête tout !

Et ce, alors même que le nombre de logements rénovés a triplé au premier trimestre 2025 par rapport à 2024. Une suspension jugée absurde, voire dangereuse, alors que les objectifs de transition énergétique nécessitent une accélération des rénovations.

🧱 Artisans et entreprises : l’avenir en suspens, les nerfs à vif

Pour les artisans de terrain, cette décision tombe comme un couperet. Didier Perez, artisan en rénovation énergétique, voit déjà les conséquences :

Quasiment tous mes clients ont annulé. Ils me disent : “Ma chaudière fonctionne encore, on verra à la fin de l’année.”

 Pour cet entrepreneur, 90 % de son activité dépend de MaPrimeRénov’. Il redoute la faillite imminente :

Je vais perdre de l’argent chaque mois. Comme beaucoup d’amis dans le secteur, je risque la liquidation judiciaire

Et cette incertitude pèse lourd. Faute de visibilité, les chantiers sont bloqués, les carnets de commandes se vident, et les trésoreries fondent. « Soit on continue les aides, soit on les arrête, mais il faut le dire ! », s’emporte-t-il. Une incompréhension partagée à tous les échelons du secteur.

Philippe Servalli, de la FFB Grand Paris, va plus loin : « Le mécontentement est profond. Nous savons manifester. Une grue, c’est 30 ou 40 tracteurs ! » Même tonalité chez Olivier Salleron : « Si on doit faire des actions sur la place publique, on les fera. » Le congrès national de la FFB, qui réunit 1 500 entreprises à Blois la semaine prochaine, s’annonce explosif.

📣 L’œil de l’expert : un gouvernement piégé

Ce nouvel épisode révèle une fragilité structurelle dans la gestion des politiques publiques de transition énergétique. En multipliant les ajustements, les changements de règles et les pauses brutales, l’État mine la confiance des acteurs qui doivent porter les rénovations sur le terrain.

En suspendant MaPrimeRénov’ au moment même où la demande explose, le gouvernement envoie un signal de volatilité politique contre-productif. Certes, la lutte contre les fraudes est nécessaire, mais elle aurait pu s’accompagner de mesures ciblées plutôt que d’un gel général du dispositif.

Le paradoxe est criant : alors que la France ambitionne de rénover massivement son parc immobilier, elle prive les entreprises des outils pour le faire. Et les conséquences pourraient être dramatiques : jusqu’à 100 000 emplois menacés, selon la FFB. 🛑

À propos de l'auteur

Des années d’expérience et d’expertises financières, Fabien MONVOISIN est PDG du Groupe Win’Up composé de 4 enseignes spécialisées dans le regroupement de crédits, son ambition aujourd’hui est de décrypter l’actualité économique et financière dans l’objectif d’éclairer tous les Français