André, liquidation judiciaire pour une icône de la chaussure au modèle ancien
La marque André, figure emblématique du paysage commercial français, est de nouveau confrontée à une tempête judiciaire. Le 30 avril, le tribunal de commerce de Paris a placé l’entreprise en redressement judiciaire pour la troisième fois depuis 2019, comme l’a révélé l’AFP. Un revers supplémentaire pour cette enseigne au lourd passé, autrefois symbole de la chaussure accessible et durable, désormais réduite à une poignée de points de vente.
Derrière ce nouvel épisode de fragilité économique, c’est tout un modèle de distribution et une gestion multi-acquéreurs qui sont remis en question. André est-il à l’aube de sa disparition ou au début de sa renaissance ?
👞 Changements de mains et rétrécissement du réseau : une lente érosion
Depuis cinq ans, André évolue dans un cycle instable de rachats et de restructurations. Après avoir appartenu au groupe Vivarte (anciennement groupe André), puis à Spartoo, la marque avait été reprise en 2020 par François Feijoo via 1Monde9, avant d’être cédée en 2023 à la société Optakare, dirigée par l’homme d’affaires belge Karim Redjal.
Chaque tentative de sauvetage s’est traduite par une réduction progressive de la voilure. En l’espace de quelques années, le réseau est passé de 180 boutiques à seulement 16, et l’effectif est tombé à 99 salariés. Malgré un chiffre d’affaires limité à 11 millions d’euros, les repreneurs successifs ont tous affiché une volonté de relancer l’activité, sans réussir à inverser durablement la tendance.
Cette instabilité a plongé André dans un cycle de procédures collectives à répétition, avec un impact social et économique marqué. Pour Fashion Network, ce troisième redressement en si peu de temps est un symptôme de la vulnérabilité structurelle du secteur de la chaussure, frappé de plein fouet par la crise sanitaire et les évolutions de consommation.
🧫 De la pandémie à la relance contrariée : un modèle à réinventer
Le coup d’arrêt décisif est venu du confinement de 2020, qui a frappé alors que la marque appartenait encore à Spartoo. La fermeture prolongée des magasins a accéléré une restructuration déjà amorcée, marquant un tournant irréversible dans l’histoire de l’enseigne. André, naguère fleuron du textile, n’a jamais réellement retrouvé son équilibre depuis cette période.
Pourtant, malgré les signaux d’alerte, la direction de New André affiche une volonté de rebond. Dans une déclaration publiée sur LinkedIn, la société se veut rassurante :
Nos boutiques restent ouvertes » et précise que le redressement judiciaire vise à « accélérer la restructuration engagée il y a plusieurs mois.
Un plan de continuation est en cours d’élaboration, avec l’espoir d’assurer la pérennité de l’activité. Mais dans un environnement de plus en plus concurrentiel, et face à une clientèle en quête de digital et de prix cassés, la survie de la marque passe désormais par une transformation stratégique profonde, bien au-delà de la réduction de surface ou des effets d’annonce.
👁 L'œil de l’expert : une marque à réinventer ou à liquider ?
Le cas André illustre la fragilité des marques patrimoniales face aux chocs exogènes et à l’inflexibilité de leur modèle. L’accumulation de plans de sauvetage sans vision industrielle claire a conduit à une érosion lente mais constante.
Le maintien d’un réseau physique exsangue, combiné à l'absence d’un positionnement fort face aux pure players numériques, soulève une question cruciale : André peut-elle encore incarner une proposition de valeur crédible ?
Sans une refonte totale de son identité, appuyée sur l'omnicanal, la différenciation et la réconciliation avec les nouvelles attentes clients, le nom André pourrait bientôt n'être plus qu'un souvenir d’enseigne. L’histoire commerciale française l’a prouvé à maintes reprises : les marques centenaires ne sont pas immortelles.
À propos de l'auteur
Responsable du développement commercial au sein du Groupe Win'Up, Vanessa accompagne des entrepreneurs dans leur projet de création et participe au développement de la notoriété des enseignes du groupe. Sensible aux sujets économiques et financiers, Vanessa partage son avis sur les actualités.