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Photo de la devanture d'un magasin de l'enseigne de hard-discount GIFI
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Gifi / Brochard : entre guerre de gouvernance et départ précipité du patron intérimaire

Nouveau coup de théâtre chez GiFi. À peine cinq mois après avoir pris les rênes du groupe de distribution à bas prix, Philippe Brochard jette l’éponge, dénonçant une gouvernance qu’il juge chaotique. Le dirigeant, ex-Auchan, était censé stabiliser l’enseigne et amorcer son redressement. Mais les tensions internes, notamment avec le fondateur Philippe Ginestet, ont rendu sa mission impossible. Un épisode révélateur d’un malaise profond au sein de l’entreprise, déjà fragilisée par des erreurs stratégiques et une concurrence féroce.

👥 Philippe Brochard : Une gouvernance à double commande et des tensions explosives

Le départ anticipé de Philippe Brochard, prévu pour juin 2025, est un nouveau signal d’alarme dans un groupe déjà sous pression. Selon une source proche du dossier, il devait assurer l’intérim « jusqu’à la nomination d’un nouveau PDG et faire avancer le plan de transformation ». Mais très vite, le désaccord avec le fondateur Philippe Ginestet a dégénéré. Redevenu président du conseil de surveillance, Ginestet conserve 60 % du capital de GiFi… et un pouvoir informel que Brochard jugeait étouffant.

💬 « La présence de Philippe Ginestet complexifie la situation », confie une source à Capital. « Il veut reprendre le pilotage opérationnel de l’entreprise ». Ce double jeu stratégique a semé la zizanie dans l’organisation. Malgré les efforts de Brochard pour rationaliser les coûts et structurer la gouvernance, les tensions personnelles ont pris le pas sur le projet de relance.

Au cœur de la discorde : la gestion des prestataires, dont plusieurs sont liés à Ginestet via sa holding. Une situation jugée inacceptable par Brochard, qui plaidait pour une séparation claire entre gouvernance et intérêts personnels. Autre point de friction : l’approche du dirigeant intérimaire, jugée trop technocratique, axée sur la réduction des dépenses plutôt que sur la stimulation du chiffre d’affaires. « Il s’est concentré sur la coupe budgétaire au lieu de relancer le business », lui aurait reproché Ginestet.

⚙️ Crise de modèle et succession sous haute surveillance

Ce départ intervient alors que GiFi traverse une zone de turbulence économique, héritée d’une crise de gestion depuis 2023. Le changement de système informatique a désorganisé la chaîne logistique pendant des mois, mettant à mal la visibilité sur les stocks et les approvisionnements. Résultat : une perte de compétitivité face à des poids lourds du discount comme Action, Temu ou encore La Foir’Fouille.

En janvier, un accord de soutien financier avait été décroché auprès des banques, conditionné à une réorganisation du pouvoir. Mais ce fragile équilibre semble déjà rompu. Les créanciers, eux, s’inquiètent de cette instabilité chronique au sommet de l’entreprise. Car la lutte pour le pouvoir entre Brochard et Ginestet fragilise non seulement la stratégie, mais aussi la confiance des partenaires financiers.

🕵️‍♂️ Qui pour reprendre le flambeau ? L’identité du futur PDG reste floue. D’après certaines rumeurs, un cadre issu de Bricorama (Les Mousquetaires) pourrait être pressenti pour rejoindre GiFi dès septembre. En attendant, plusieurs membres du conseil de surveillance envisagent de jouer les intérimaires. Mais sans clarification de la gouvernance et sans retrait effectif de Ginestet des manettes, le risque d’un nouvel échec demeure élevé.

👁️ L’œil de l’expert : un mélange des genres dangereux

Le cas GiFi illustre à merveille les limites d’une gouvernance ambivalente, où le fondateur peine à lâcher prise. La confusion entre actionnariat majoritaire et gestion opérationnelle entraîne une perte d’agilité et de crédibilité auprès des acteurs économiques. Dans un contexte ultra-concurrentiel, l’absence d’un leadership clair empêche toute transformation profonde. Si le groupe veut espérer rebondir, il devra opérer un vrai changement de culture managériale, avec une direction pleinement autonome et soutenue dans ses décisions. Sans cela, les démissions risquent de devenir la norme, et non l’exception.

À propos de l'auteur

Des années d’expérience et d’expertises financières, Fabien MONVOISIN est PDG du Groupe Win’Up composé de 4 enseignes spécialisées dans le regroupement de crédits, son ambition aujourd’hui est de décrypter l’actualité économique et financière dans l’objectif d’éclairer tous les Français