MaPrimeRénov’ sous tension : les entreprises du bâtiment au bord de l’asphyxie
Un dispositif clé devenu un casse-tête national : Pensé comme un pilier de la transition énergétique, MaPrimeRénov’ s’est progressivement transformé en source d’instabilité pour tout un pan de l’économie du bâtiment. Si cette aide publique, destinée à financer des travaux de rénovation énergétique, a longtemps été saluée pour son ambition, elle est aujourd’hui critiquée pour ses défaillances. Retards massifs de paiement, complexité administrative, refus injustifiés de chantiers : le dispositif est au centre d’une crise de confiance croissante entre l’État, les professionnels et les bénéficiaires. Le 12 mai 2025, des artisans et mandataires se sont rassemblés devant le siège de l’Agence nationale de l’habitat (Anah) à Paris pour dénoncer une situation devenue, selon eux, intenable.
📉 Des retards de paiement qui étranglent les professionnels
Le cœur du malaise tient dans l’explosion des délais de traitement et de paiement, qui compromettent directement la trésorerie des entreprises du secteur. Alors que MaPrimeRénov’ avait initialement misé sur une procédure fluide — avec seulement 5 semaines de délai en 2021, selon les données de Heliofrance, mandataire de l’Anah — la réalité actuelle est tout autre. En 2025, les remboursements peuvent désormais mettre jusqu’à 300 jours à être versés, soit 10 mois d’attente. Un effondrement de l’efficacité administrative qui semble s'être aggravé d’année en année : 70 jours en 2022, 100 jours en 2023, puis 200 en 2024.
À ces retards s’ajoutent des refus de financement de chantiers, souvent sans justification formelle, laissant les professionnels dans l’incompréhension et l’incapacité d’anticiper leurs besoins de trésorerie. Thierry Flak, fondateur de Home Expert Habitat, illustre cette dérive :
J’ai dû licencier 14 salariés. C’était terrible. Nous ne sommes désormais plus que 9, alors que les besoins en rénovation énergétique n’ont jamais été aussi importants.
Son entreprise a vu son chiffre d’affaires chuter de 25 % en un an, conséquence directe des dysfonctionnements du dispositif.
Le ministère du Logement reconnaît une augmentation significative des délais d’instruction des dossiers, passés en moyenne de 70 à 100 jours. Toutefois, son cabinet précise dans Le Parisien que « les délais de paiement, eux, ne bougent pas » — une affirmation contredite par les acteurs de terrain.
⚖️ Une avalanche de contentieux et un budget qui fond
L’inefficacité du dispositif n’est pas seulement anecdotique : elle alimente une véritable judiciarisation du système. Maître Joyce Pitcher, avocate spécialisée, révèle avoir déposé 2 521 dossiers de contentieux en deux ans, pointant du doigt les retards systémiques, les refus non motivés et les défauts de versement. Elle met en cause à la fois la hausse massive du volume de dossiers, notamment de rénovations lourdes, et la réduction drastique du budget dédié, passé de 4,5 milliards d’euros à seulement 2,3 milliards en 2024.
Pire encore, selon les derniers chiffres communiqués par les comptes publics de l’Anah, 1,6 milliard d’euros de primes restent à verser, alimentant une dette qui paralyse davantage le dispositif. Cette situation est d’autant plus critique que le renforcement des contrôles anti-fraude ralentit considérablement les démarches sans toujours garantir plus de transparence ou d’équité.
👁️ L’œil de l’expert : une réforme de fond s’impose
MaPrimeRénov’ traverse une crise qui ne peut être résolue par des ajustements marginaux. Le dispositif a voulu faire plus avec moins, tout en répondant à une demande croissante et urgente de rénovation. En l’état, il fragilise les acteurs les plus engagés dans la transition énergétique et mine la crédibilité de la politique publique. Pour restaurer la confiance, une réforme structurelle s’impose : simplification des procédures, renforcement des moyens humains, augmentation du budget et transparence accrue dans les décisions. Car sans des artisans solides et un pilotage efficace, la rénovation énergétique à grande échelle restera un mirage.
À propos de l'auteur
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