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Photo de barils de brut logotisés OPEC, devant un puit de pétrole en action
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OPEP+ : le baril de discorde – entre réalignement géopolitique et bras de fer énergétique

C’est un séisme énergétique dont les répliques s’annoncent durables. Huit piliers de l’alliance OPEP+ viennent d’annoncer une hausse brutale de leur production de pétrole à partir de juillet 2025. Une inflexion stratégique qui tranche avec les politiques de restriction précédentes, et qui intervient dans un climat mondial particulièrement inflammable. Cette manœuvre, apparemment économique, est en réalité éminemment politique. Analyse des motivations profondes de cette décision et de ses conséquences sur un marché pétrolier sous haute tension.

⚙️ Quand l’OPEP+ relance la machine à pomper

Depuis avril, les signaux d’un assouplissement progressif se multipliaient. Mais l’annonce coordonnée du 31 mai 2025 marque un changement d’échelle. Huit membres majeurs de l’OPEP+, dont l’Arabie saoudite, la Russie et les Émirats arabes unis, vont injecter ensemble 411 000 barils supplémentaires par jour sur le marché dès juillet – triplant les volumes initiaux.

Cette réorientation intervient alors que l’organisation, élargie en 2016 à des partenaires non-OPEP comme la Russie, avait jusqu’alors privilégié une politique de quotas stricts pour soutenir les prix. Avec cette hausse soudaine, c’est tout un édifice construit depuis la pandémie qui vacille.

Officiellement, les États producteurs invoquent une amélioration des fondamentaux : baisse des stocks mondiaux, reprise économique plus solide et résilience de la demande. Mais cette justification masque à peine les véritables ressorts d’une décision bien plus tactique.

Selon Jorge Leon, analyste chez Rystad Energy, ce revirement s’inscrit dans une séquence orchestrée : « L’OPEP+ a frappé trois fois : mai était un avertissement, juin une confirmation et juillet un coup de semonce. » Autrement dit : ce n’est pas une simple régulation de marché, mais une réponse musclée aux tensions diplomatiques actuelles.

🎭 Entre pression américaine et fractures internes : le cartel sous tension

Derrière cette « relance temporaire », comme la nomment les producteurs, se cacheraient en réalité des injonctions directes de la Maison-Blanche. Donald Trump, tout juste réinstallé à la présidence américaine, aurait sollicité Riyad pour détendre l’offre mondiale et faire baisser les prix à la pompe, enjeu crucial à l’approche des élections de mi-mandat.

Ce jeu d’influence n’est pas sans conséquences pour l’équilibre interne de l’OPEP. La décision, bien que collective sur le papier, a pris de court plusieurs autres membres du cartel, comme l’Iran ou le Nigeria, qui redoutent une chute prolongée des prix. En mai, le baril est descendu sous les 60 dollars – une première depuis quatre ans – avant de se redresser légèrement autour de 63 dollars.

Mais ce coup d’accélérateur pourrait aussi servir de message en interne. Certains pays comme le Kazakhstan, accusés de dépassements chroniques de leurs quotas, sont indirectement visés. L’augmentation d’offre serait ainsi un moyen détourné de rappeler à l’ordre les membres les moins disciplinés, tout en punissant l’ensemble du marché pour ces entorses répétées.

À l’horizon : une réunion cruciale de l’OPEP+ prévue le 6 juillet. Elle s’annonce tendue. Entre impératif de stabilité des revenus pour les pays producteurs et volonté de répondre aux pressions géopolitiques, le cartel devra arbitrer entre deux logiques contradictoires.

👁️ L’œil de l’expert : une alliance qui vacille 

Cette poussée soudaine de la production pétrolière signe-t-elle le début de la fin pour la discipline OPEP+ ? Rien n’est moins sûr. Mais elle révèle les failles d’une alliance qui peine à concilier intérêts économiques et injonctions géostratégiques. En cédant aux pressions extérieures, certains membres affaiblissent les fondements d’un pacte déjà mis à rude épreuve par les divergences internes. Le prochain sommet de juillet pourrait être décisif : ou bien l’OPEP+ retrouve une ligne commune, ou bien elle s’enfonce dans un désordre qui pourrait faire vaciller l’ensemble du marché mondial. Le baril n’a pas fini de faire parler de lui. 

À propos de l'auteur

Responsable du développement commercial au sein du Groupe Win'Up, Vanessa accompagne des entrepreneurs dans leur projet de création et participe au développement de la notoriété des enseignes du groupe. Sensible aux sujets économiques et financiers, Vanessa partage son avis sur les actualités.