Retraités sous pression : vers la fin d’un avantage fiscal vieux de 50 ans ?
Alors que la France affine son budget pour 2026 dans un contexte de réduction drastique des dépenses publiques, une mesure fiscale fait déjà grand bruit : la possible suppression de l’abattement de 10 % réservé aux retraités. Instauré en 1978, cet avantage est aujourd’hui dans le collimateur du gouvernement, dans une volonté de rééquilibrer l’effort fiscal entre actifs et inactifs. Ce changement, s’il est confirmé, pourrait bouleverser l’équilibre budgétaire de millions de foyers retraités.
👴 Une mesure historique remise en question dans un contexte budgétaire tendu
L’abattement fiscal de 10 % appliqué aux pensions de retraite remonte à la fin des années 1970. Il avait pour but d’amortir la chute de revenus que subissent les nouveaux retraités, mais aussi de compenser le décalage d’un an dans le paiement de l’impôt à l’époque. Depuis, le prélèvement à la source a considérablement modifié les modalités fiscales, rendant certains dispositifs moins justifiables.
Plafonné à 4 321 € par foyer fiscal en 2024, cet abattement s’applique de manière automatique, sans possibilité d’opter pour des frais réels, contrairement aux actifs. Il s’agit donc d’une déduction forfaitaire destinée à alléger l’impôt des retraités, bien que ces derniers ne supportent plus les frais professionnels qu’il était censé couvrir à l’origine.
C’est dans le cadre de l’élaboration de la loi de finances 2026 que le gouvernement envisage de supprimer cet avantage, pour contribuer à l’objectif de réduction des dépenses de 40 milliards d’euros. Selon les estimations du ministère des Comptes publics, cette seule mesure pourrait générer 5 milliards d’euros d’économies — soit 12,5 % de l’effort global visé.
🗣 Un débat entre équité intergénérationnelle et pouvoir d’achat des seniors
La proposition divise profondément. D’un côté, des voix gouvernementales comme celle d’Amélie de Montchalin, ministre chargée des Comptes publics, estiment qu’« on ne peut pas indéfiniment mettre à contribution les actifs pour financer les nouvelles dépenses sociales liées au vieillissement ». Elle plaide pour une fiscalité fondée sur les capacités contributives plutôt que sur l’âge.
Le président du Medef, Patrick Martin, partage cette position, jugeant « contre-nature » qu’un retraité bénéficie d’un abattement destiné à compenser des frais professionnels… qu’il ne supporte plus. Gilbert Cette, président du Conseil d’orientation des retraites, souligne quant à lui que le niveau de vie des retraités reste légèrement supérieur à celui des actifs, avec un taux d’épargne de 25 % chez les plus de 70 ans, contre 17 % pour le reste de la population.
Mais cette orientation suscite une vive opposition syndicale. Neuf syndicats ont déjà dénoncé ce qu’ils qualifient de « stigmatisation » des retraités, rappelant que ces derniers ont cotisé durant toute leur vie active. L'Unsa-retraités estime qu’un retraité avec une pension mensuelle de 1 542 € verrait apparaître une imposition de 272 € par an — ce qui pourrait remettre en cause certains seuils d’accès à des aides sociales, comme le taux réduit de CSG ou certaines exonérations.
Les effets seraient donc très hétérogènes. D’après MoneyVox, les retraités les plus modestes, percevant autour de 1 200 € par mois, ne seraient pas affectés. En revanche, sur 17 millions de foyers retraités, près de 8,5 millions pourraient devenir imposables, avec un impact direct sur leur revenu fiscal de référence.
👁 L'œil de l'expert : un équilibre délicat entre justice fiscale et cohésion sociale
L’éventuelle suppression de l’abattement fiscal de 10 % pour les retraités s’inscrit dans une stratégie de redéfinition des priorités budgétaires. Si l’objectif de justice fiscale entre générations est légitime, il ne peut faire l’économie d’une réflexion globale sur la soutenabilité du pouvoir d’achat des seniors, notamment dans un contexte d’inflation et de vieillissement accéléré de la population.
Pour éviter une fracture sociale, plusieurs idées sont présentées : instaurer une progressivité dans la suppression de l’abattement selon les niveaux de revenus, préserver les aides conditionnées au revenu fiscal de référence, et renforcer les dispositifs de solidarité pour les retraités les plus vulnérables. Une réforme, oui, mais avec discernement.
À propos de l'auteur
Des années d’expérience et d’expertises financières, Fabien MONVOISIN est PDG du Groupe Win’Up composé de 4 enseignes spécialisées dans le regroupement de crédits, son ambition aujourd’hui est de décrypter l’actualité économique et financière dans l’objectif d’éclairer tous les Français