L’euro peut-il détrôner le dollar ? Lagarde trace la route vers une souveraineté monétaire
L’heure du grand basculement géo-économique a-t-elle sonné ? Et si l’Europe tenait enfin sa revanche sur la domination du dollar ? Dans un contexte de tensions géopolitiques accrues, de fragmentation des alliances et de défiance envers la stabilité américaine, Christine Lagarde, présidente de la Banque centrale européenne, appelle à une refondation ambitieuse de l’architecture financière de la zone euro. Pour elle, l’euro n’a jamais été aussi proche d’incarner une véritable alternative mondiale au billet vert. Mais cette mutation ne se fera ni spontanément, ni sans volonté politique. Décryptage d’une ambition stratégique européenne à haute intensité.
🏛️ Un euro plus fort passe par des institutions plus solides… et une puissance sécuritaire affirmée
Selon Christine Lagarde, la monnaie unique ne pourra s’imposer à l’échelle mondiale qu’à condition de gagner en cohérence et en crédibilité. À l’université Hertie de Berlin, elle a averti :
L’euro ne gagnera pas en influence par défaut, il devra la mériter
Pour y parvenir, elle pointe trois piliers indispensables :
- la construction d’un marché des capitaux plus profond et liquide,
- le développement d’un actif sûr européen attractif,
- et surtout, une sécurité collective crédible, y compris sur le plan militaire.
Car, comme elle le souligne :
Les investisseurs institutionnels recherchent des garanties géopolitiques tangibles : ils placent leur argent dans les zones perçues comme sûres et capables de défendre leurs engagements
Autrement dit, la crédibilité d’une devise dépend aussi de la capacité de ses États membres à assumer un rôle de puissance sur la scène internationale. Pour Lagarde, cette « puissance douce » économique doit donc s’appuyer sur un socle défensif commun, afin de soutenir des partenariats stratégiques fiables.
💼 Une monnaie, oui — mais encore faut-il qu’elle serve aux entreprises et séduise les marchés
Si l’euro ne représente aujourd’hui que 20 % des réserves mondiales, contre 58 % pour le dollar, c’est avant tout en raison de son manque d’intégration économique interne. Les marchés de capitaux restent fragmentés, et l’absence d’un « actif sûr paneuropéen » limite sa capacité à jouer un rôle pivot dans les échanges mondiaux.
Christine Lagarde insiste sur la nécessité de rendre l’euro incontournable dans les transactions commerciales internationales. Cela passe notamment par des efforts coordonnés : accords de change avec d’autres banques centrales, amélioration des systèmes de paiement transfrontaliers, ou encore signature de nouveaux traités commerciaux qui placeraient l’euro au cœur des flux globaux.
Mais l’obstacle principal reste politique. Le financement conjoint des biens publics, via un endettement mutualisé, demeure un sujet explosif pour certains États membres, notamment l’Allemagne, encore réticente à l’idée de voir ses contribuables garantir les risques des partenaires les plus endettés. Pourtant, prévient Lagarde, sans mutualisation, l’Europe ne disposera jamais du levier financier nécessaire pour générer l’offre d’actifs de qualité réclamée par les investisseurs.
👁 L’œil de l’expert : l’Europe à la croisée des chemins
🧩 Le discours de Christine Lagarde trace une trajectoire ambitieuse, mais semée d’embûches. L’euro a aujourd’hui tous les atouts pour s’imposer comme pilier d’un nouvel ordre monétaire multipolaire : solidité économique, potentiel d’intégration, poids démographique, rayonnement réglementaire. Mais sans réforme de fond, il restera un géant aux pieds d’argile.
🌍 À l’heure où les États-Unis vacillent sur la scène mondiale et que les BRICS cherchent à redessiner les règles du jeu, l’Europe a l’opportunité d’incarner un pôle de stabilité et de prévisibilité. Encore faut-il qu’elle accepte d’affronter ses tabous : mutualisation de la dette, gouvernance renforcée, et affirmation géopolitique. Car comme le rappelle Lagarde :
Les changements en cours ouvrent la voie à un moment global de l’euro
À l’Europe de ne pas le laisser passer.
À propos de l'auteur
Des années d’expérience et d’expertises financières, Fabien MONVOISIN est PDG du Groupe Win’Up composé de 4 enseignes spécialisées dans le regroupement de crédits, son ambition aujourd’hui est de décrypter l’actualité économique et financière dans l’objectif d’éclairer tous les Français