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Photo d'une carte bancaire american express avec un cadenas en guise de sécurité
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Banques et fraudes numériques : la Cour de cassation redistribue les cartes

C’est un changement de cap retentissant dans le paysage juridique français : les victimes d’arnaques bancaires obtiennent enfin gain de cause face aux banques. Par une décision rendue le 30 avril dernier, la Cour de cassation vient bousculer des années de jurisprudence favorable aux établissements financiers. Désormais, ces derniers ne pourront plus invoquer si aisément la « négligence grave » du client pour se défausser de leurs responsabilités.

L’arrêt opère un véritable tournant en matière de charge de la preuve : ce n’est plus au client seul de démontrer qu’il a été dupé, mais bien à la banque de prouver qu’elle a rempli toutes ses obligations de sécurité et d’authentification. Comme le souligne l’association UFC-Que Choisir, il s’agit d’un signal fort envoyé aux institutions bancaires, qui devront désormais rendre des comptes plus rigoureusement en cas de litige lié à une fraude.

🧾 Le principe de vigilance renversé : les banques mises face à leurs responsabilités

L’affaire à l’origine de cette décision concernait une entreprise cliente du Crédit Agricole du Finistère, victime d’une cyberattaque en novembre 2020. Après avoir cliqué sur un lien frauduleux, un logiciel espion s’était installé sur l’ordinateur professionnel, permettant à des cybercriminels d’exécuter sept virements frauduleux entre le 27 novembre et le 3 décembre 2020. La cour d’appel de Rennes avait alors tranché en faveur de la banque, accusant l’utilisateur d’avoir fait preuve de négligence grave.

Mais la Cour de cassation a censuré ce jugement, estimant que les juges du fond avaient omis une étape essentielle : vérifier si les opérations litigieuses avaient été authentifiées, dûment enregistrées, et si elles ne souffraient d’aucune défaillance technique.

Dans un considérant limpide, la Cour souligne :

Sans rechercher si les opérations de paiement litigieuses avaient été authentifiées, dûment enregistrées et comptabilisées, et qu’elles n’avaient pas été affectées par une déficience technique ou autre, la cour d’appel a privé sa décision de base légale.

Ce rééquilibrage du rapport de force juridique impose désormais aux établissements bancaires de démontrer leur propre rigueur dans la sécurisation des paiements, avant d’accuser leurs clients de négligence. Ce glissement dans la jurisprudence pourrait avoir des conséquences majeures sur la gestion des litiges bancaires à l’avenir.

🛡️ Une réponse judiciaire à l’explosion des arnaques numériques

Ce revirement intervient dans un contexte particulièrement alarmant : les cyberattaques se multiplient, et les arnaques par ingénierie sociale — hameçonnage, escroqueries aux faux conseillers — deviennent de plus en plus élaborées. Or, la ligne de défense traditionnelle des banques, consistant à invoquer un simple clic sur un lien comme preuve irréfutable de négligence, n’est plus tenable face à la sophistication croissante des attaques.

En janvier dernier encore, la Cour de cassation avait validé cette posture, considérant qu’un simple clic douteux suffisait à exclure toute indemnisation. Cette approche rigide laissait les victimes sans recours, face à des techniques qui dépassent aujourd’hui les compétences techniques d’un usager lambda.

Désormais, les banques devront prouver qu’elles ont mobilisé des systèmes de détection performants, mis en place des protocoles d’authentification robustes, et averti leurs clients de manière claire et documentée. Comme le note l’UFC-Que Choisir, cette décision oblige les établissements à investir davantage dans la prévention plutôt que de se défausser après coup.

👁 L’œil de l’expert : opération rééquilibrage

Avec cette décision, la Cour de cassation rétablit un équilibre trop longtemps rompu entre particuliers et institutions financières. Face à la montée des escroqueries numériques, la charge de la preuve ne peut plus reposer exclusivement sur des clients souvent dépassés par la complexité technique des fraudes. Ce tournant marque la prise de conscience d’une justice qui s’adapte enfin au monde numérique, sans naïveté mais avec exigence. Un rappel salutaire que la confiance dans le système bancaire passe aussi par l’exemplarité des banques elles-mêmes.

À propos de l'auteur

Des années d’expérience et d’expertises financières, Fabien MONVOISIN est PDG du Groupe Win’Up composé de 4 enseignes spécialisées dans le regroupement de crédits, son ambition aujourd’hui est de décrypter l’actualité économique et financière dans l’objectif d’éclairer tous les Français