Retour au bureau imposé chez Société Générale : vers un choc organisationnel et social ?
Un retour en présentiel à marche forcée. La décision prise par Slawomir Krupa, directeur général de la Société Générale, de restreindre sévèrement le télétravail à un jour par semaine — voire de le supprimer dans certaines divisions — provoque un séisme au sein du groupe bancaire. Alors que nombre d’entreprises misent encore sur la flexibilité post-Covid comme levier d’attractivité, cette initiative tranche radicalement avec les tendances actuelles. Elle soulève, au-delà des enjeux sociaux, de profondes questions économiques, de productivité et d’organisation du travail dans un secteur en pleine transformation.
🔍 La rupture avec la dynamique post-pandémique
Dans une note interne révélée par L’Agefi, Slawomir Krupa justifie cette décision par un impératif de cohésion culturelle et d'efficacité opérationnelle :
Il s’agit de mieux intégrer les nouveaux arrivants, de faciliter l’apprentissage, l’acquisition des savoirs tout au long de la vie professionnelle et leur transmission, et de stimuler l’innovation
Le message est clair : l’entreprise considère que la performance économique et la capacité d’adaptation aux nouveaux défis passent par une reconquête du lien physique entre les collaborateurs.
Ce choix s’inscrit également dans un contexte de restructuration stratégique du groupe, déjà engagé dans des coupes budgétaires, des cessions d’actifs et une recherche accrue de rentabilité. Pour certains analystes, la limitation du télétravail pourrait indirectement favoriser des réductions de personnel « volontaires » : en durcissant les conditions de travail, la banque pourrait inciter certains salariés à quitter l’entreprise, notamment dans les services centraux.
Une telle politique reflète aussi un changement d’état d’esprit global dans la finance, où le télétravail, autrefois vu comme un acquis post-Covid, est désormais perçu dans certaines grandes institutions comme un frein à la performance collective et à l’esprit d’entreprise. Ce recul stratégique du télétravail dans une banque systémique comme Société Générale marque donc une inflexion potentielle pour l’ensemble du secteur bancaire européen.
⚖️ Vague de contestation sociale et coût organisationnel latent
Du côté des organisations syndicales, la réaction ne s’est pas fait attendre. « Cette annonce a fait l’effet d’une bombe », affirme la CGT SG, dans un communiqué incisif. Le syndicat critique vivement un retour autoritaire à un modèle dépassé, pointant du doigt un paradoxe logistique :
Il n’y a même plus assez de place pour accueillir tous les salariés dans le cadre d’un retour massif sur site
Cette réduction du télétravail, selon eux, va à l’encontre des principes de souplesse, d’autonomie et de responsabilisation qui ont émergé depuis plus d’une décennie. La CFDT SG s’inquiète quant à elle d’un possible objectif sous-jacent : pousser les collaborateurs récalcitrants vers la sortie. « Cette mesure pourrait viser à faire partir les salariés qui n’accepteraient pas cette nouvelle organisation de travail », redoute-t-elle. Un tel bouleversement organisationnel pourrait générer une désorganisation temporaire et des effets pervers sur la fidélisation des talents, dans un contexte où le marché de l’emploi bancaire est déjà sous tension.
Ce choix de rupture soulève également des interrogations économiques et immobilières. Alors que de nombreux sièges sociaux ont été redimensionnés pour s’adapter à une occupation partielle post-pandémie, un retour massif des salariés en présentiel pourrait nécessiter d'importants ajustements logistiques — avec, à la clé, des coûts supplémentaires ou une réallocation stratégique des espaces.
👁 L’œil de l’expert : une décision à double tranchant
La décision de la Société Générale peut être interprétée comme un pari risqué, celui de retrouver plus d’agilité économique et d’alignement stratégique par une présence physique accrue. Si ce repositionnement peut théoriquement renforcer la performance collective, il se heurte frontalement à des attentes fortes des salariés en matière de qualité de vie au travail.
Derrière le discours sur la cohésion et l’apprentissage, cette réforme du télétravail traduit surtout une volonté de reprise en main managériale, dans un secteur où la discipline, la rapidité d’exécution et la réactivité sont perçues comme vitales. Reste à voir si le choc organisationnel qui s’annonce ne compromettra pas, à moyen terme, les ambitions de transformation du groupe.
À propos de l'auteur
Des années d’expérience et d’expertises financières, Fabien MONVOISIN est PDG du Groupe Win’Up composé de 4 enseignes spécialisées dans le regroupement de crédits, son ambition aujourd’hui est de décrypter l’actualité économique et financière dans l’objectif d’éclairer tous les Français