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Photo d'un groupe de jeunes écoliers, à la sortie d'école, près de Laon
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Ecole primaire en perdition: quand l'Education Nationale échoue malgré plus de moyens

Une équation alarmante pour l'école primaire : moins d’élèves, plus d’argent… mais des performances en chute libre. Tel est le paradoxe au cœur du dernier rapport fracassant de la Cour des comptes publié ce mardi 20 mai. Alors que les moyens alloués à l’école primaire n’ont cessé de croître, les résultats des élèves – en particulier en mathématiques – plongent, classant la France bonne dernière de l’Union européenne dans ce domaine. Une situation jugée « préoccupante » par Pierre Moscovici, premier président de la Cour, qui s’interroge : « Comment justifier une hausse continue de la dépense pour des performances en régression ? »

💶 Des moyens financiers en hausse, pour quels résultats ?

Avec 55 milliards d’euros injectés dans le premier degré en 2023 – soit 2 % du PIB français –, l’école primaire représente près de 29 % de la dépense nationale d’éducation. Pourtant, cette générosité budgétaire ne produit pas les effets escomptés. En parallèle, le nombre d’élèves est en recul constant : 6,3 millions d’écoliers en 2024, soit 800 000 de moins qu’en 1972. Et la tendance s’accélère, avec une prévision à 5,99 millions en 2028. Une contraction démographique liée à la chute de la natalité, selon les projections officielles.

Mais alors que l’État et les collectivités multiplient les efforts financiers, les performances stagnent voire régressent. La Cour met en lumière un « système déconnecté des besoins réels des élèves », où la hausse des dépenses semble n’avoir qu’un impact marginal sur la réussite scolaire.

📊 Un système qui creuse les inégalités plutôt qu’il ne les corrige

L’analyse est implacable : au lieu de gommer les disparités, l’école primaire française les renforce. Le rapport met en évidence une corrélation directe entre la réussite scolaire et l’origine sociale des enfants. Plus les parents sont défavorisés, plus les chances de réussite s’amenuisent.

Le fossé entre filles et garçons s’élargit également. Si les filles entrent à l’école élémentaire avec une légère avance, celle-ci s’accentue avec le temps. En classe de 6e, un garçon sur deux est en difficulté, contre deux filles sur cinq, note le rapport.

Les inégalités territoriales, elles aussi, restent criantes. Malgré les initiatives locales et les politiques publiques, les écarts entre zones rurales, urbaines ou prioritaires persistent. Pire : dans certains cas, l’école semble contribuer à accentuer les fractures qu’elle devrait résorber.

🧩 Trois défis majeurs pour refonder l’école du XXIe siècle

Face à ce constat d’échec, la Cour des comptes identifie trois chantiers cruciaux :

  1. Recentrer l’école sur le bien-être de l’élève
    En coordonnant mieux les temps scolaires, périscolaires et extrascolaires, l’école pourrait devenir un espace de développement global, et non uniquement académique.
  2. Intégrer le numérique comme outil pédagogique structurant
    Loin d’un simple gadget, le numérique doit être intégré dans une logique d’apprentissage maîtrisée, sans pour autant céder à un usage excessif ou mal encadré.
  3. Engager la transition écologique
    Cela passe par l’adaptation des bâtiments scolaires, mais aussi par une éducation aux enjeux climatiques intégrée dès le plus jeune âge.

🧑‍🏫 Repenser les ressources humaines et les structures

La Cour interpelle également les décideurs sur la gestion des enseignants. Elle propose un recrutement au niveau départemental dans les zones sous tension, en lieu et place des affectations académiques, jugées peu efficaces.

Autre mesure phare : professionnaliser le rôle de directeur d’école, en instaurant progressivement des postes à plein temps. Enfin, dans les régions touchées par la baisse démographique, la mutualisation des écoles est suggérée comme piste d’optimisation.

👁 L’œil de l’expert : une réforme de fond s’impose

Ce que met en lumière ce rapport, c’est l’essoufflement d’un modèle hérité du XXe siècle. L’école primaire française, malgré ses moyens, reste figée dans une organisation qui ne répond plus aux réalités sociales, numériques et écologiques. Pour inverser la tendance, il ne s’agit plus de dépenser plus, mais de mieux dépenser. Cela suppose un diagnostic lucide, une gouvernance plus agile, et surtout, le courage politique de bousculer des habitudes ancrées.

Comme le résume Pierre Moscovici : 

Il ne suffit pas d’investir dans l’éducation, encore faut-il que l’investissement porte ses fruits.

À propos de l'auteur

Des années d’expérience et d’expertises financières, Fabien MONVOISIN est PDG du Groupe Win’Up composé de 4 enseignes spécialisées dans le regroupement de crédits, son ambition aujourd’hui est de décrypter l’actualité économique et financière dans l’objectif d’éclairer tous les Français