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Photo de Léa Salamé, journaliste sur France2, choisie pour le journal de 20 heures
4 minutes

Léa Salamé propulsée au 20h de France 2 : un défi à plusieurs millions pour le service public

Une transition stratégique sous tension à France Télévisions. C’est une nomination qui fait du bruit dans le paysage audiovisuel français : Léa Salamé prendra les commandes du journal télévisé de 20 heures sur France 2, succédant à Anne-Sophie Lapix, évincée après des années à la tête du JT. Derrière ce choix éditorial fort se cache un dossier complexe, fait de tractations salariales, de défis de programmation, de négociations de gouvernance interne… et surtout, d’un coût non négligeable pour France Télévisions, soumis à de fortes contraintes budgétaires. Une manœuvre qui en dit long sur l'évolution du JT comme produit d'appel stratégique, et sur la rareté des profils capables de porter cette vitrine nationale.

💼 Une fonction ultra-exposée, un quotidien aux enjeux économiques majeurs

Contrairement aux idées reçues, le rôle de présentateur du 20h ne commence pas à l’antenne, mais bien en amont. Dès le petit matin, la routine s’enclenche : revue de presse, réunions éditoriales, coordination avec les reporters, écriture des lancements… Chaque décision a un impact éditorial et financier : choix des sujets, mobilisation des équipes techniques, gestion du timing pour respecter les grilles de diffusion.

À 10 heures, la moitié du journal doit être calée

expliquait Anne-Sophie Lapix dans Télé-Star, soulignant l'intensité de la préparation. Vers 15h, une seconde conférence affine les ajustements de dernière minute pour s’aligner au plus près de l’actualité chaude, un enjeu capital pour maintenir l’audience du JT face à la concurrence numérique.

Ce poste réclame aussi une gestion de l’image. En interne, l’équipe HMC (habillement, maquillage, coiffure) veille à optimiser la présentation du visage de l'information, élément clef de la marque JT. Certaines figures comme Anne-Claire Coudray préfèrent d'ailleurs autogérer cette partie pour des raisons de maîtrise d’image. Et la logistique n’est pas un détail : 

Je ne prends jamais l’ascenseur avant le journal. Et j'arrête de boire 45 minutes avant

confiait Coudray sur RTL, preuve que chaque détail compte dans ce monde ultra-formaté.

💸 Un salaire stratégique, une négociation à haute valeur pour Léa Salamé

La rémunération des présentateurs de JT varie fortement selon les chaînes et les responsabilités. Si les figures du privé sont nettement mieux rémunérées, le service public doit composer avec des contraintes budgétaires strictes, tout en tentant de fidéliser ses talents médiatiques.

En 2019, Anne-Claire Coudray (TF1) touchait entre 30.000 et 45.000 € mensuels pour ses journaux du week-end. Gilles Bouleau (JT de semaine) évoquait une rémunération comparable à celle d’un « joueur de Ligue 2 » soit environ 15.000 € par mois. Côté service public, Laurent Delahousse tournerait lui aussi autour de 15.000 € mensuels. Une grille salariale serrée, d’autant que la pression politique et médiatique autour de l'utilisation de la redevance impose une forme de sobriété salariale.

Mais le cas Léa Salamé déroge à la règle. Selon plusieurs sources, BFMTV lui avait proposé un salaire parmi les plus élevés du paysage audiovisuel français pour animer un talk-show quotidien. Pour éviter une fuite médiatique à forte valeur symbolique, Delphine Ernotte, PDG de France Télévisions, a dû mobiliser tous les leviers. Dans un dernier entretien décisif, elle aurait promis à Salamé de conserver son émission du samedi soir "Quelle Époque !" en plus du JT, une entorse rare à la règle de l'exclusivité des visages de l’info.

L’objectif : sécuriser un double leadership en information et en divertissement, tout en amortissant les coûts en mutualisant l’image d’une seule figure. Mais ce choix, aussi audacieux soit-il, pose la question de la surcharge de travail et de l’équilibre éditorial, dans une période où l’attention du public est de plus en plus fragmentée.

👁 L’œil de l’expert : un JT sous tension

Avec l’arrivée de Léa Salamé, France 2 joue une carte double : celle du renouveau éditorial et celle de la rentabilité symbolique. Dans un contexte de concurrence exacerbée entre chaînes linéaires, plateformes numériques et réseaux sociaux, le JT reste une vitrine précieuse, mais coûteuse.

Le 20 Heures n’est plus un simple journal, c’est un actif stratégique dans le portefeuille de la chaîne

analyse Romain Colas, spécialiste de l’économie des médias. En verrouillant Salamé, France Télévisions sécurise un visage fédérateur, mais devra assumer le poids financier et logistique d’un tel choix.

Entre modernisation éditoriale, rentabilité d’audience et optimisation budgétaire, le JT devient un produit hybride à mi-chemin entre média d'information et marque de prestige. Reste à voir si cette stratégie sera soutenable dans la durée.

À propos de l'auteur

Responsable du développement commercial au sein du Groupe Win'Up, Vanessa accompagne des entrepreneurs dans leur projet de création et participe au développement de la notoriété des enseignes du groupe. Sensible aux sujets économiques et financiers, Vanessa partage son avis sur les actualités.