À la surprise générale, le discret mais stratégique François Provost a été nommé directeur général de Renault. Un choix inattendu, qui témoigne d’un arbitrage stratégique entre continuité interne, rigueur budgétaire et impératifs de compétitivité. Ce changement intervient alors que le constructeur traverse une zone de turbulences boursières et doit relever d’importants défis industriels et technologiques.
👤 Le profil idéal pour les actionnaires
La nomination de François Provost à la tête de Renault, validée hier par le conseil d’administration, a pris de court les observateurs du secteur automobile. Parmi les trois candidats encore en lice – Denis Le Vot, favori en interne, Maxime Picat, ancien de Stellantis, et Provost lui-même –, ce dernier n’apparaissait pas comme le choix évident.
Mais derrière ce visage peu connu du grand public se cache un stratège aguerri, ancien directeur des achats et homme-clé du plan « Renaulution« . Cette stratégie, déclinée en trois phases – « Résurrection », « Rénovation » et « Révolution » – visait à repositionner la marque vers le haut de gamme tout en renforçant sa rentabilité.
Selon Bernard Jullien, économiste spécialiste du secteur automobile, il s’agit clairement d’un « choix de compromis ». Il explique :
Provost synthétise les avantages d’un profil interne comme Le Vot, tout en rassurant les actionnaires par sa capacité à optimiser les coûts, à la manière de Picat.
François Provost a notamment orchestré la délocalisation de certaines phases de conception, comme celle de la Twingo en Chine, mettant en concurrence les bureaux d’ingénierie tricolores avec des équipes asiatiques. Un choix salué par les investisseurs mais contesté par certains fournisseurs et partenaires sociaux. L’économiste Bernard Jullien le rappelle :
En tant que directeur des achats, il n’a pas laissé que des bons souvenirs aux fournisseurs
💼 Une prise de fonction sous haute tension
Si le passage de témoin semble stratégique, le contexte macro-économique ne laisse guère de répit au nouveau dirigeant. Le départ de Luca de Meo – salué pour avoir redressé Renault – laisse un vide difficile à combler.
Nous sommes orphelins d’un vrai capitaine d’industrie
déplorait récemment Fabien Gloaguen, délégué syndical FO, dans Le Parisien.
Mi-juillet, la publication de résultats décevants a fait chuter le titre en Bourse, mettant en lumière une marge opérationnelle en net repli au premier semestre 2025. Cette dégradation financière place le nouveau DG dans une posture délicate, entre nécessité de rassurer les marchés et obligation de relancer la dynamique interne.
Autre enjeu majeur : le retard technologique face à la concurrence chinoise. Un plan d’action devrait être dévoilé d’ici fin 2025 pour tenter de combler ce gap. Renault, bien qu’en avance sur certains concurrents européens en matière d’électrification, doit encore accélérer ses investissements – un exercice périlleux dans un climat où chaque euro doit justifier son retour.
👁️ L’œil de l’expert : lourd héritage
François Provost hérite d’un groupe en mutation, mais loin d’être stabilisé. Sa nomination semble pensée pour sécuriser la ligne budgétaire, plus que pour impulser une vision industrielle disruptive. S’il saura rassurer les actionnaires à court terme, il devra convaincre les salariés et le grand public qu’il n’est pas seulement « le Mazarin de De Meo« , comme l’ironie d’un proche du dossier le surnomme. Les mois à venir seront décisifs : le nouveau patron n’a pas droit à l’erreur.