Alors que Ryanair annonçait récemment une baisse de régime sur le marché français, la compagnie irlandaise est désormais confrontée à une grève d’envergure en Espagne, sa deuxième base européenne. Derrière ce bras de fer social, ce sont aussi les équilibres financiers et les stratégies de développement de la compagnie low cost qui sont mis à rude épreuve.
⚠️ Recul stratégique en France et tensions sociales en Espagne
La semaine passée, Ryanair annonçait la suppression de 25 liaisons aériennes en France pour l’hiver 2025, avec la fermeture pure et simple de trois aéroports secondaires : Bergerac, Brive et Strasbourg. Cette réduction de capacité de 13 % intervient pourtant dans un contexte où la compagnie affichait des résultats financiers en forte progression : un bénéfice net de 820 millions d’euros au 1er trimestre, dopé par une hausse des tarifs de 21 %.
Mais cette stratégie de rationalisation en France coïncide avec une crise sociale de grande ampleur en Espagne, menaçant directement le cœur opérationnel de la compagnie. Dès le 15 août, les services d’assistance au sol opérés par Azul Handling, filiale de Ryanair, entreront en grève. Le mouvement, initié par les syndicats UGT et CGT, pourrait se prolonger jusqu’au 31 décembre, à raison de plusieurs jours de grève par semaine, sur les créneaux horaires les plus critiques pour le trafic (5h-9h, 12h-15h, 21h-minuit).
Une perturbation qui risque d’impacter massivement les flux touristiques vers les grands hubs espagnols : Madrid-Barajas, Barcelone-El Prat, mais aussi Santander, Vigo ou encore Saragosse.
💼 Un modèle low cost mis à l’épreuve
Selon Air Journal, les griefs syndicaux pointent une véritable dégradation des conditions sociales : précarisation des contrats, refus de consolider les horaires de CDI à temps partiel, sanctions en cas de refus d’heures supplémentaires, et violations des accords collectifs.
Nous exigeons la fin des sanctions et l’ouverture immédiate de négociations
martèle l’UGT, qui appelle à une médiation nationale via le SIMA (Service Interconfédéral de Médiation et d’Arbitrage).
Un signal d’alarme d’autant plus sérieux que 3 000 salariés sont concernés rien qu’au sein d’Azul Handling, auxquels s’ajoutent les milliers d’employés Ryanair en Espagne. Début 2024, des mouvements similaires avaient déjà entraîné des perturbations significatives sur les lignes européennes.
Au-delà de l’aspect social, cette grève interroge sur la résilience du modèle ultra-compétitif de Ryanair. Si la compagnie a longtemps prospéré sur une compression drastique des coûts, sa capacité à maintenir un haut niveau d’activité tout en répondant aux attentes sociales grandissantes devient un enjeu stratégique majeur.
👁️ L’œil de l’expert : un besoin de dialogue
Cette nouvelle crise sociale met en lumière les limites d’un modèle fondé sur une flexibilité extrême et des coûts salariaux très contenus. Face à une inflation des revendications sociales et une pression politique croissante dans plusieurs pays européens, Ryanair pourrait être contrainte de réviser sa politique RH, au risque d’éroder ses marges.
D’un point de vue financier, la compagnie dispose encore d’une solide rentabilité, mais chaque mouvement de grève affecte sa réputation, sa ponctualité – l’un de ses atouts majeurs – et sa relation client. Pour continuer à croître durablement, Ryanair devra conjuguer efficience opérationnelle et dialogue social structuré, en particulier dans ses bases-clés comme l’Espagne.
Car sans stabilité sociale, aucun plan de conquête ne peut tenir sur le long terme.