Entre productivité en berne et coûts d’adaptation, les vagues de chaleur pèsent lourdement sur le PIB, la France et ses voisins européens en première ligne.
Les vagues de chaleur ne se contentent pas de faire grimper les thermomètres : elles font fondre la richesse produite. Selon une note publiée le 4 juillet par Allianz Trade, les épisodes caniculaires pourraient amputer jusqu’à 0,5 point de PIB à l’échelle européenne. Si la France limite la casse avec -0,3 point, l’Espagne encaisse -1,4 point et l’Allemagne -0,1 point. Un constat qui alarme les économistes, d’autant que les États-Unis (-0,6 point) et la Chine (-1 point) subissent également le contrecoup.
« Une journée à plus de 32°C équivaut à une demi-journée de grève« , rappelle le rapport, soulignant l’impact direct sur la productivité. Au-delà de 38 °C, la capacité à réaliser un travail physique peut chuter des deux tiers, affectant particulièrement les secteurs agricoles, industriels et du bâtiment.
📉 Un choc immédiat pour l’économie
Les données compilées par Allianz Trade sont sans appel : le stress thermique réduit en moyenne 2,2 % du volume d’heures travaillées dans le monde, soit l’équivalent de 80 minutes de travail à temps plein perdues par jour.
Le rapport 2022 du Lancet Countdown montre que l’année 2021 a connu 470 milliards d’heures de travail perdues, soit une hausse de 37 % par rapport à la décennie 1990-1999. « Nous constatons un effet comparable à un ralentissement industriel massif, mais provoqué par la météo », note un analyste.
Cette baisse de productivité se traduit par une réduction immédiate des revenus des travailleurs, un recul de la consommation et une pression accrue sur les marges des entreprises. Ces dernières sont contraintes de financer des mesures d’urgence — aménagements horaires, climatisation, adaptation des locaux — qui, si elles protègent les salariés, ne génèrent pas de valeur ajoutée à long terme.
🌍 Des effets directs sur le PIB
L’impact ne s’arrête pas à la fin de l’épisode caniculaire. Une étude de la Banque centrale européenne (BCE), menée sur la période 1995-2022, montre que quatre ans après une canicule, la perte de PIB peut atteindre 1,4 point au niveau régional.
La mécanique est connue : récoltes affaiblies, production agricole et industrielle amoindrie, revenus locaux en baisse, investissements différés… Les vagues de chaleur provoquent un cercle vicieux où adaptation rime avec frein à la croissance. Si elles restent moins destructrices qu’une sécheresse (-3 points) ou qu’une inondation (-2,8 points), leur fréquence et leur intensité croissantes les rendent tout aussi préoccupantes pour les finances publiques et les stratégies économiques.
En France, le décret du 1er juillet impose désormais aux employeurs de garantir « une température adaptée » sur les lieux de travail, un accès suffisant à l’eau et un aménagement des horaires lors des « épisodes de chaleur intense ». Une avancée réglementaire saluée, mais qui ne résout pas le problème macroéconomique de fond.
👁 L’œil de l’expert
Les canicules ne sont plus un aléa exceptionnel, mais un paramètre économique récurrent. Leur coût n’est pas uniquement comptable : elles modifient la structure même de nos économies. La France, relativement moins touchée que l’Espagne en valeur immédiate, reste exposée aux effets cumulatifs sur la productivité, l’agriculture et les chaînes d’approvisionnement. L’enjeu est désormais de passer d’une adaptation réactive à une anticipation structurelle, en intégrant le risque climatique dans la planification budgétaire, les investissements publics et privés, et les politiques de compétitivité.