Le Royaume-Uni traverse une situation économique singulière en Europe. Alors que la zone euro parvient globalement à contenir la hausse des prix, Londres fait figure d’exception : l’inflation britannique a atteint 3,8 % en juillet 2025, son plus haut niveau depuis janvier, selon l’Office national des statistiques (ONS). Cette flambée, supérieure aux prévisions des analystes, contraste avec la stabilité observée en France (1 %), en Allemagne (1,8 %) ou en Italie (1,7 %).
Au-delà des chiffres, cette tension inflationniste interroge : entre hausse des coûts énergétiques, pression fiscale et facteurs plus insolites comme la tournée des frères Gallagher, l’économie britannique peine à retrouver un équilibre.
🎤 « Effet Oasis » et flambée saisonnière
Certains économistes pointent des éléments atypiques dans cette hausse de prix. Lindsay James, analyste chez Quilter Investors, rappelle que « la lecture de l’inflation de juillet est perturbée par des effets saisonniers liés aux vacances d’été ». Les tarifs aériens ont atteint leur niveau le plus élevé depuis 2001, conséquence directe du calendrier scolaire.
Autre facteur évoqué par plusieurs observateurs : la tournée d’Oasis, événement majeur pour les fans de britpop. Dans les villes accueillant les concerts, les prix hôteliers ont bondi de 50 à 90 %, accentuant la hausse générale des services. Si l’ONS reste prudent et n’établit pas de lien direct avec le groupe, Grant Fitzner, économiste de l’institut statistique, admet que :
Le calendrier exceptionnel a eu un impact sur la mesure des prix.
Un « effet Oasis » certes ponctuel, mais révélateur de la fragilité d’une économie où le moindre choc conjoncturel exacerbe les tensions inflationnistes.
⚡ Un cocktail très explosif
Au-delà des anecdotes musicales, l’inflation repose surtout sur des déterminants structurels. L’ONS signale une hausse marquée des prix de l’énergie (+6 % en moyenne pour l’électricité et le gaz depuis avril) et de l’eau (+25 %). Les denrées alimentaires – café, chocolat, viande, jus d’orange – restent également à des niveaux historiquement élevés.
La politique fiscale joue un rôle tout aussi déterminant. Depuis avril, le gouvernement travailliste a augmenté les cotisations patronales de 13,8 % à 15 %, ce qui, selon Lindsay James, « se répercute mécaniquement sur les prix des services ».
La Direction générale du Trésor française abonde :
Cette hausse de l’inflation avait été anticipée par la Banque d’Angleterre (BoE) et le FMI.
En clair, l’inflation britannique repose autant sur des coûts importés (énergie, matières premières) que sur des décisions internes en matière de prélèvements obligatoires.
💼 Croissance fragile et pressions politiques
Avec une croissance limitée à 0,3 % au deuxième trimestre, le spectre de la stagflation – combinaison d’une inflation persistante et d’une activité atone – inquiète les économistes.
La ministre des Finances Rachel Reeves reconnaît la difficulté :
Nous sommes loin de l’inflation à deux chiffres que nous avons connue sous le gouvernement précédent, mais il reste encore beaucoup à faire pour alléger le coût de la vie.
Le gouvernement travailliste, déjà fragilisé par ses hausses d’impôts et ses coupes budgétaires, doit aussi composer avec la politique commerciale protectionniste américaine.
L’introduction de nouveaux droits de douane à l’échelle mondiale n’améliorera probablement pas la situation
avertit Lindsay James. Dans ce climat, la Banque d’Angleterre reste prudente : bien qu’elle ait abaissé son taux directeur à 4 %, Matthew Ryan, analyste chez Ebury, estime désormais qu’« aucune nouvelle baisse n’est envisageable cette année », la priorité étant de contenir l’inflation.
👁️ L’œil de l’expert : un long chemin
L’épisode de juillet illustre la vulnérabilité de l’économie britannique. L’inflation, bien qu’en partie temporaire, traduit un déséquilibre structurel : coûts énergétiques élevés, fiscalité pénalisante pour les entreprises, et marges de croissance réduites.
La dépendance à des facteurs externes (marchés de l’énergie, commerce international) fragilise encore plus la stratégie du gouvernement travailliste. Sans un plan cohérent de soutien à la compétitivité, le risque est de voir le Royaume-Uni s’installer dans une spirale de faible croissance et inflation durable, qui mettrait à rude épreuve ménages, entreprises et crédibilité politique.
En résumé, entre flambée des prix énergétiques, fiscalité accrue et « effet Oasis » symbolique, le Royaume-Uni se trouve dans une impasse économique qui inquiète autant les marchés que les ménages.