Mercredi soir, sur TF1, François Bayrou a surpris par une formule choc : il a accusé les « boomers » d’avoir contribué à l’endettement massif du pays, en profitant d’un confort politique et budgétaire qui pèserait désormais sur les jeunes générations. Si cette déclaration vise à réveiller les consciences, elle soulève un débat sensible : peut-on désigner une génération entière comme responsable d’un problème structurel ?
👩🏻🦳 Une génération qui a travaillé et contribué
Il est indéniable que la génération du baby-boom (nés après-guerre, entre 1946 et 1964) a connu une trajectoire marquée par le travail, l’effort et la contribution aux finances publiques. Ces hommes et femmes ont bâti leur carrière dans un contexte où la durée du travail était plus longue, où les semaines s’étiraient au-delà des 40 heures, et où l’âge légal de départ à la retraite était plus élevé qu’aujourd’hui.
Comme le rappelle un responsable politique sur BFMTV :
Ce sont des gens qui n’ont pas volé leur argent, ce sont des gens qui ont respecté les règles.
Les boomers ont payé leurs impôts, cotisé sans discontinuer, et alimenté le financement de la Sécurité sociale et des retraites par répartition. Beaucoup d’entre eux n’ont pas profité de facilités bancaires mais ont acheté leur logement au prix de sacrifices financiers considérables.
De plus, cette génération a traversé plusieurs crises (chocs pétroliers, chômage de masse des années 1980, inflation forte) sans bénéficier des dispositifs de soutien massifs que connaissent aujourd’hui les jeunes actifs. Leur niveau de vie actuel, parfois perçu comme confortable, est en grande partie le fruit de décennies de travail et de discipline budgétaire familiale. Les réduire à une caricature de profiteurs d’un « confort » budgétaire serait ignorer cette réalité historique.
⚠️ Le danger de la stigmatisation
La sortie de François Bayrou met en lumière un autre risque : celui d’entretenir une guerre des générations. En désignant les boomers comme responsables de la dette publique, le Premier ministre ouvre la voie à une rhétorique simpliste qui pourrait opposer jeunes et retraités, au détriment de la cohésion sociale.
Sur les réseaux sociaux, cette polarisation existe déjà. L’exemple du personnage fictif « Nicolasquipaie » illustre le sentiment de certains trentenaires d’être sacrifiés par un système fiscal jugé écrasant et orienté en faveur des retraités. Mais cette vision manichéenne occulte le rôle déterminant de la classe politique dans l’accumulation des déficits, comme l’a rappelé Bayrou lui-même en évoquant « le confort de certains partis politiques ».
Le risque est clair : en cherchant à séduire un électorat jeune, le discours peut fragiliser le lien social entre générations et nourrir des rancunes durables. Comme l’a rappelé Richard Ramos, député Modem, « on a tous fait de la dette » : les jeunes bénéficiaires d’aides étudiantes, les actifs profitant des services publics, les retraités percevant des pensions ou encore les hommes et femmes politiques qui, depuis des décennies, n’ont pas le courage de mener les réformes structurelles dont notre pays a besoin. La responsabilité est collective, et pointer une génération en particulier revient à masquer les vrais choix budgétaires des gouvernements successifs.
👁️ L’œil de l’expert
La dette publique française, qui dépasse les 3 200 milliards d’euros, est un problème systémique, non générationnel. L’accuser d’être le fruit du seul « confort » des boomers relève d’une analyse partielle, voire électoraliste.
Les baby-boomers ont certes bénéficié d’une période de croissance exceptionnelle, mais ils en ont aussi été les architectes. S’ils profitent aujourd’hui d’un niveau de retraite jugé plus favorable que celui qui attend leurs enfants, c’est en grande partie grâce à un modèle social qu’ils ont contribué à financer et défendre.
La vraie question n’est donc pas de savoir « qui a profité », mais « comment corriger le déséquilibre actuel ». Car si le débat reste centré sur la culpabilisation d’une génération, la France risque d’alimenter une fracture sociale et politique, au lieu de construire une solidarité intergénérationnelle indispensable pour rétablir l’équilibre des finances publiques.