Après des années de croissance exceptionnelle portée par l’Ozempic et le Wegovy, Novo Nordisk enclenche un virage brutal. Le laboratoire pharmaceutique danois, l’une des plus grandes capitalisations boursières européennes, a annoncé la suppression de 9.000 emplois dans le monde, soit plus de 11 % de ses effectifs, afin de dégager 1,07 milliard d’euros d’économies annuelles d’ici 2026. Derrière ce plan social historique, c’est toute la stratégie du géant de la santé qui est en train de se redessiner, face à une concurrence américaine agressive et à la montée en puissance des génériques.
📉 Un plan social massif pour sauver les marges
Avec 5.000 postes supprimés au Danemark, son fief historique, Novo Nordisk frappe fort. L’entreprise, qui comptait 78.400 employés en 2024 après avoir doublé sa masse salariale en seulement cinq ans, tente aujourd’hui de corriger ce qu’elle qualifie d’« excès d’expansion ».
Le nouveau directeur général, Mike Doustdar, a justifié cette décision en expliquant que « nos marchés évoluent, en particulier dans le domaine de l’obésité, car ils sont devenus plus compétitifs et axés sur le consommateur, notre entreprise doit également évoluer ».
Concrètement, ce plan de restructuration vise à ramener la marge opérationnelle entre 4 % et 10 % en 2025, contre une estimation initiale de 10 % à 16 %. Ces annonces interviennent alors que le titre Novo Nordisk est en fort repli depuis un an, fragilisé par la percée d’Eli Lilly aux États-Unis, premier marché mondial, et par l’essor des préparations magistrales en pharmacie, présentées abusivement comme des alternatives personnalisées.
Cette cure d’austérité devrait, selon le communiqué du groupe, permettre de réallouer les ressources vers les segments jugés stratégiques : le diabète et l’obésité, deux marchés à croissance explosive mais où les marges s’érodent sous la pression concurrentielle.
⚖️ Un modèle fragilisé par la concurrence
Malgré des résultats financiers encore impressionnants, le modèle de Novo Nordisk est aujourd’hui remis en question. Le Wegovy, traitement de l’obésité déjà disponible dans 35 pays, a vu ses ventes bondir de +78 % au premier semestre 2025, tandis que l’Ozempic progressait de seulement +15 %. Ces chiffres confirment la dépendance croissante de l’entreprise à une gamme de produits très concentrée.
La domination danoise est toutefois menacée. Outre Eli Lilly, qui aligne des résultats records, la prolifération des génériques accentue la pression sur les prix. Si l’autorisation temporaire de commercialiser ces préparations a pris fin en mai dernier, leur circulation persiste, créant une concurrence « sous le faux couvert de personnalisation », regrette Novo Nordisk.
Au-delà de la bataille commerciale, le contexte sanitaire amplifie les enjeux. Selon l’UNICEF, l’obésité est désormais la première forme de malnutrition chez les 5-19 ans dans le monde. La Fédération mondiale de l’obésité prévoit qu’en 2035, plus d’une personne sur deux (51 %) sera en surpoids ou obèse, pour un coût économique potentiel supérieur à 4.000 milliards de dollars par an. Autrement dit, le marché existe bel et bien, mais son hyper-compétitivité et ses implications sociétales rendent sa conquête à la fois risquée et politiquement sensible.
👁️ L’œil de l’expert
Le virage opéré par Novo Nordisk illustre parfaitement les limites d’une croissance tirée par un produit star. Après avoir surfé sur la vague Ozempic, l’entreprise est contrainte d’ajuster brutalement son organisation pour rester compétitive. Les 9.000 suppressions de postes s’analysent moins comme une crise ponctuelle que comme une adaptation structurelle à un marché ultra-concurrentiel, où les marges se réduisent à mesure que la demande explose.
En Bourse comme en stratégie industrielle, Novo Nordisk doit désormais démontrer sa capacité à diversifier son portefeuille, tout en consolidant sa place dans un secteur où les géants américains dictent le tempo. Pour les investisseurs, la question clé reste : le groupe saura-t-il transformer cette restructuration en levier de croissance durable, ou bien s’agit-il d’un premier signal de fragilité dans son modèle économique ?