L’intelligence artificielle (IA) ne se limite plus au secteur privé ou aux grands groupes technologiques : elle s’apprête à transformer en profondeur le fonctionnement du service public mondial. Selon une étude du cabinet Roland Berger, publiée vendredi, plus d’un tiers des emplois de la fonction publique pourraient être remodelés par l’IA, soit près de 125 millions d’équivalents temps plein (ETP) à l’échelle mondiale. Cette révolution, mêlant automatisation et assistance numérique, représente autant une opportunité d’efficacité qu’un défi budgétaire et social.
📊 Automatisation et “emplois augmentés”
L’étude met en lumière deux dynamiques majeures. D’un côté, environ 22 % des postes pourraient être “augmentés” par l’IA, c’est-à-dire enrichis par de nouvelles fonctions numériques ou déchargés de certaines tâches répétitives. Les secteurs les plus exposés sont l’administration, l’éducation et la communication publique.
Ainsi, des métiers tels que les secrétaires juridiques, les agents des douanes ou les fonctionnaires du fisc pourraient voir leurs missions évoluer grâce à l’IA, notamment pour la détection automatisée de fraudes fiscales. Comme le souligne Alain Chagnaud, auteur de l’étude, « nous commençons à avoir des perspectives sur ces sujets ».
Mais au-delà des gains de productivité, ces évolutions supposent des investissements lourds. « Le déploiement de l’IA prendra du temps et de l’argent », rappelle Alain Chagnaud. L’implémentation de solutions intelligentes dans des structures souvent rigides et bureaucratiques nécessitera des budgets conséquents, mais aussi une modernisation profonde des systèmes d’information publics.
⚠️ Emplois menacés et reconversions
L’autre volet du rapport souligne un risque plus sensible : près de 7,5 % des emplois publics pourraient être intégralement automatisés. Les métiers de bureautique et de support administratif sont les plus vulnérables : assistants, secrétaires ou agents de centres d’appel. Pour Roland Berger, ces tâches de faible complexité sont « plus facilement répliquées par l’IA ».
Le secteur de la santé est également concerné, non pas dans ses missions humaines de soin, mais dans son organisation administrative et ses processus de traitement des données. À l’inverse, les professions liées à l’aide à la personne devraient rester peu impactées, car reposant sur une forte interaction humaine.
Face à ce séisme potentiel, les pouvoirs publics devront financer non seulement les outils numériques mais aussi les programmes de reconversion. Alain Chagnaud insiste : « Les pouvoirs publics doivent travailler sur les conversions professionnelles vers d’autres activités », citant par exemple le repositionnement des agents sur des missions à forte dimension relationnelle. Cela implique une réallocation budgétaire conséquente et des politiques RH publiques plus agiles.
👁️ L’œil de l’expert : des gains considérables
L’IA dans le service public représente un levier de modernisation et de rationalisation des coûts, mais aussi un risque de fracture sociale et budgétaire. Si les administrations parviennent à maîtriser les investissements technologiques et à accompagner les transitions professionnelles, les gains d’efficacité pourraient être considérables, en particulier dans la lutte contre la fraude et la gestion des ressources.
Mais sans anticipation, ce virage pourrait fragiliser un pilier essentiel de la société : la confiance dans la fonction publique et sa capacité à garantir l’emploi.