Alors que l’idée d’une « taxe Zucman » sur les très grandes fortunes semblait prendre de l’ampleur, le débat budgétaire 2026 s’oriente désormais vers une autre piste : les holdings familiales. Ces structures, utilisées par environ 1 800 familles en France pour gérer et optimiser leur patrimoine, pourraient bien devenir le prochain levier fiscal. Entre enjeux économiques, optimisation légale et équité fiscale, le sujet divise.
🏦 Comment fonctionne la holding familiale ?
Une holding familiale n’est pas une entreprise comme les autres. Il s’agit d’une société qui détient des participations dans d’autres entreprises et centralise la gestion de l’ensemble du patrimoine d’une famille. Ce mécanisme, parfaitement légal, permet une optimisation de la fiscalité. Les dividendes versés par les filiales sont souvent exonérés ou faiblement imposés, ce qui permet aux holdings d’accumuler une trésorerie conséquente.
Selon les observations de Bercy, cette manne financière n’est pas toujours réinjectée dans l’économie réelle : elle sert fréquemment à financer des acquisitions privées – résidences secondaires, yachts ou encore placements financiers – échappant en partie à l’impôt. Une logique qui alimente les critiques de certains parlementaires.
Ces structures permettent de loger une grande partie d’actifs privés tout en profitant d’avantages fiscaux pensés, à l’origine, pour favoriser l’activité économique
souligne La Tribune, citant des sources proches du dossier. Face à cette situation, Charles de Courson, rapporteur général du budget à l’Assemblée nationale, propose une réforme ciblée : la réintroduction d’un précompte mobilier de 15 % sur les dividendes non redistribués. Concrètement, même les revenus conservés au sein des holdings seraient taxés, mettant fin à un mécanisme d’optimisation qui alimente aujourd’hui des poches de trésorerie considérables.
📉 Pacte Dutreil, l’autre sujet
Le débat ne se limite pas aux dividendes. Un autre dispositif est désormais dans le collimateur : le pacte Dutreil, qui offre jusqu’à 75 % d’abattement fiscal lors de la transmission d’entreprises familiales. S’il exige que 50 % des actifs d’une holding soient professionnels, il laisse donc la possibilité d’intégrer jusqu’à 50 % d’actifs privés. Résultat : un usage parfois éloigné de l’objectif initial de soutien à l’activité économique.
Pour de Courson, la piste est claire : durcir ce régime en prolongeant la durée de détention des titres de six à huit ans, afin de limiter les montages purement patrimoniaux. La Cour des comptes prépare d’ailleurs un rapport sur ce sujet sensible.
Du côté de l’administration fiscale, l’idée est également de s’attaquer à la notion de « trésorerie excédentaire ». Si une holding utilise ses liquidités pour investir dans l’économie réelle, elles resteraient exonérées. En revanche, les fonds utilisés pour des acquisitions privées seraient réintégrés dans l’assiette taxable. Une approche plus sélective que la taxe Zucman, jugée par de Courson « inapplicable, inconstitutionnelle et risquée pour l’économie », car elle pourrait « faire s’effondrer certaines entreprises ».
Ce recentrage du débat traduit une volonté : faire contribuer davantage les ultra-riches sans fragiliser les structures productives. En filigrane, il s’agit de préserver l’attractivité économique française tout en corrigeant certaines inégalités fiscales.
👁️ L’œil de l’expert
La réflexion autour des holdings familiales marque un tournant stratégique dans la politique fiscale française. Là où la taxe Zucman posait des problèmes de faisabilité et de sécurité juridique, l’approche ciblant les mécanismes d’optimisation interne aux holdings paraît plus pragmatique et susceptible de rapporter plusieurs centaines de millions d’euros. Mais elle ouvre aussi une ligne de fracture : jusqu’où peut-on taxer l’optimisation légale sans affaiblir la compétitivité patrimoniale française face à ses voisins européens ?