Claire’s France échappe pour l’instant à la liquidation judiciaire, mais l’avenir reste incertain pour l’enseigne de bijoux et accessoires à petits prix. Le tribunal des activités économiques de Paris a décidé de prolonger le redressement judiciaire jusqu’à fin janvier, après avoir reçu trois offres de reprise jugées « très minimalistes » par les représentants du personnel. Avec 250 magasins et jusqu’à 1 000 emplois menacés, le dossier illustre les tensions économiques et financières auxquelles font face les filiales françaises de groupes internationaux confrontés à des coûts croissants et à la concurrence numérique.
🗜 Une situation financière sous pression
La filiale française de Claire’s a été placée en redressement judiciaire fin juillet, après plusieurs années de baisse continue des ventes en magasin, aggravée par les droits de douane américains sur les produits chinois, qui constituent l’essentiel des stocks. Selon les derniers comptes disponibles, Claire’s France a dégagé 1,3 million d’euros de bénéfice net entre fin 2023 et fin 2024, contre 0,8 million sur l’exercice précédent. Ces résultats montrent que, malgré la rentabilité modeste, la société peine à générer des marges suffisantes pour absorber les coûts fixes et financiers croissants.
Les représentants du personnel, via leurs avocats Khaled Meziani et Eve Ouanson, pointent également des flux financiers préoccupants entre les filiales du groupe et dénoncent des « irrégularités graves dans la gestion de la société ». Selon Me Meziani, « ce qui intéresse les repreneurs, ce n’est pas forcément les produits Claire’s, c’est surtout les emplacements des magasins », signe d’une possible désintégration de la marque en France si une reprise partielle se concrétise.
⚖️ Emploi et offre de reprise : l’équilibre délicat
Le tribunal a reçu trois offres de reprise partielle, jugées insuffisantes pour garantir le maintien de l’emploi. « On craint un plan de licenciement d’une immense envergure », déplore Me Ouanson, représentant les salariés. Avec 250 magasins et 800 à 1 000 emplois concernés, la question de la préservation du tissu social est cruciale.
Les employés, mobilisés lors de l’audience, dénoncent un manque de communication de la direction depuis le début de la procédure. Rachelle, salariée d’un magasin parisien, témoigne :
Les équipes sont à bout psychologiquement, nous n’avons eu aucune information depuis le placement en redressement judiciaire.
La prolongation de la période d’observation jusqu’à fin janvier offre un délai stratégique pour analyser les offres de reprise et tenter de protéger l’emploi, mais ne garantit pas un scénario favorable.
Par ailleurs, la valorisation des magasins en centre-ville demeure un enjeu économique central. Les investisseurs semblent plus intéressés par les emplacements que par le maintien de la marque, un signe que l’activité commerciale pourrait être restructurée au détriment de la force de travail et de l’identité française de l’enseigne.
👁 L’œil de l’expert
Claire’s France illustre les défis financiers des filiales européennes de groupes américains dans un contexte de concurrence accrue et de tensions tarifaires internationales. Même avec des bénéfices modestes, le modèle économique repose sur des flux financiers complexes et des coûts de distribution élevés. La prolongation du redressement judiciaire offre un temps stratégique pour sécuriser les actifs, mais le risque de plan social massif reste réel. Les investisseurs privilégient la valeur immobilière des magasins, ce qui pourrait transformer l’enseigne française en simple portefeuille d’actifs commerciaux, au détriment de la marque et de l’emploi.