En cinq ans, le prix du café a triplé, atteignant désormais près de 7 euros le kilo contre 2 à 2,50 euros en 2021. Victime du changement climatique et dopé par une demande mondiale en plein essor, l’or noir liquide se retrouve au cœur d’une spirale inflationniste qui inquiète autant les consommateurs que les acteurs économiques. Entre déséquilibre offre-demande et stratégies de repositionnement, la filière café vit une transformation inédite.
🌍 Une crise de l’offre et de la demande
Le café est la deuxième boisson la plus consommée au monde après l’eau. En France, 8 personnes sur 10 en consomment régulièrement, soit 5,4 kg par an et par habitant. Mais derrière ce rituel quotidien se cache une tension structurelle.
Selon Loïc Marion, président du Collectif Café, « on manque cruellement de café depuis 2021 ». La cause est double : d’une part, des récoltes fragilisées par le climat (sécheresse au Brésil, typhons au Vietnam), d’autre part une consommation en forte croissance, notamment en Asie où Chine et Inde découvrent le café. Résultat : un déséquilibre mondial qui a propulsé les cours.
Cette tension se répercute jusque dans les bars, où un espresso dépasse désormais les 2 euros, et dans les rayons des supermarchés. Comme le rappelle Giuseppe Lavazza, PDG du géant italien, « une accalmie pourrait survenir dès 2026 grâce à de bonnes récoltes », mais d’autres nuancent : les stocks sont si bas que la baisse ne sera pas immédiate.
En réalité, selon les experts, il faudra attendre 5 à 10 ans pour retrouver des prix « plus raisonnables », avec l’arrivée de nouvelles productions, notamment en Chine.
☕️ Un marché en pleine mutation
Face à cette flambée, les réactions diffèrent. Certains réduisent leur consommation, reconnaissant que ce plaisir est devenu trop cher. D’autres privilégient la qualité en se tournant vers l’arabica.
Cette hausse accélère une tendance de fond : le développement du café de spécialité. Plus coûteux (deux à trois fois le prix du café industriel), il séduit une clientèle prête à investir dans un produit plus savoureux, équitable et durable. Et même si la France a un certain retard sur ce segment, le boom des coffee shops depuis quelques temps pourrait bien changer la donne.
Même si ce segment ne représente encore que 6 à 8 % du marché français, il bénéficie d’un effet “premiumisation” similaire à celui du vin : boire moins mais mieux. Une évolution qui pourrait remodeler la chaîne de valeur, en redonnant du pouvoir aux torréfacteurs indépendants et en repositionnant les grandes marques.
👁️ L’œil de l’expert
Le café n’est plus seulement une matière première agricole, il devient un baromètre économique. La flambée des prix reflète à la fois la vulnérabilité climatique des grandes zones de production et l’appétit croissant des marchés émergents. À court terme, les consommateurs devront absorber la hausse. À long terme, le secteur pourrait s’orienter vers une segmentation plus marquée : d’un côté, un café standard de plus en plus cher, de l’autre un café de spécialité hautement valorisé.
Pour les ménages comme pour les investisseurs, le café illustre une vérité simple : l’équilibre mondial des matières premières se joue désormais autant dans les champs que dans les tasses.