Le phénomène n’est plus marginal : en 2024, le taux d’absentéisme a de nouveau progressé dans les entreprises françaises. Si la durée moyenne des arrêts de travail reste stable, c’est la multiplication des absences très courtes – souvent de moins de trois jours – qui inquiète. Dans un contexte de rigueur budgétaire, alors que l’État cherche à économiser 5 milliards d’euros sur la santé, le débat sur le coût des arrêts maladie prend une tournure hautement politique et financière.
📊 Une progression mesurée mais coûteuse
Selon le 4ᵉ Observatoire des arrêts de travail du groupe Apicil, fondé sur des données issues de 53 000 entreprises, le taux d’absentéisme est passé de 4,27 % en 2023 à 4,41 % en 2024. Plus d’un salarié sur quatre (26,98 %) a connu au moins un arrêt maladie dans l’année, un chiffre en hausse de 0,66 point.
La durée moyenne des arrêts, elle, reste contenue à 9,85 jours (+0,21 jour par rapport à 2023). Ce qui inquiète davantage, c’est la hausse du micro-absentéisme : les arrêts de moins de trois jours gagnent deux points en un an, alors même que ces jours ne sont pas indemnisés par l’Assurance maladie en raison du délai de carence.
Pour Thomas Perrin, Directeur Général Adjoint Services du Groupe Apicil :
L’absentéisme s’impose comme un défi crucial pour les entreprises, les obligeant à repenser leurs pratiques managériales, leurs modes d’organisation et leurs politiques de prévention.
Ces arrêts, même courts, génèrent un coût indirect élevé : désorganisation des équipes, perte de productivité, et recours croissant à l’intérim, qui grève les budgets RH.
🩺 Du déficit public à la pression sur les entreprises
La progression de l’absentéisme intervient alors que l’exécutif cherche des marges de manœuvre pour endiguer le déficit de la Sécurité sociale. En juillet dernier, l’ancien Premier ministre François Bayrou avait proposé de limiter tout premier arrêt à 15 jours en médecine de ville. Une mesure qui visait à réduire les prescriptions médicales courtes, tout en suscitant un débat sur la qualité des soins et le droit au repos des salariés.
Les causes principales de ces arrêts restent largement dominées par la maladie (90 %), devant les accidents du travail (4 %) et les temps partiels thérapeutiques liés à un retour progressif après un arrêt long.
À l’échelle macroéconomique, l’absentéisme représente plusieurs milliards d’euros par an. Au-delà du financement public, il fragilise également la compétitivité des entreprises, notamment dans les secteurs à forte intensité de main-d’œuvre. Dans les services, le BTP ou la logistique, chaque absence entraîne un surcoût direct et immédiat.
👁 L’œil de l’expert
La tendance à la hausse des arrêts courts traduit un double signal : un malaise social diffus dans les organisations et une pression croissante sur les finances publiques. Si l’État cherche à contenir l’explosion des dépenses de santé, les entreprises, elles, doivent investir davantage dans la prévention, la QVT (qualité de vie au travail) et la santé mentale pour limiter les absences répétées.
Dans un contexte où l’équilibre budgétaire devient prioritaire, l’absentéisme risque de s’imposer comme l’un des prochains terrains de réforme, à l’intersection du social, de l’économique et du politique.