Frauder, tricher, mentir… Ces mots résonnent désormais comme une réalité sociale plus que comme des exceptions. Selon une enquête OpinionWay pour la Compagnie des Déboucheurs, publiée début octobre, 72 % des Français admettent avoir déjà contourné les règles au moins une fois, et plus d’un tiers reconnaissent le faire régulièrement. Une banalisation de la fraude qui en dit long sur le rapport à la loi, à la morale et au pouvoir d’achat dans un contexte de tensions économiques persistantes.
⚙️ Le symptôme d’une société sous pression
Cette étude met en lumière une France pragmatique plus que malhonnête, où les “petits arrangements” deviennent une réponse à la contrainte économique. En 2025, l’inflation cumulée depuis la crise énergétique dépasse 12 %, les salaires réels stagnent et les ménages voient leur reste à vivre s’éroder. Dans ce contexte, “gruger un peu” devient presque un réflexe de survie.
Selon OpinionWay, près d’un Français sur deux (46 %) avoue avoir déjà conservé un trop-perçu à la caisse, un acte considéré comme mineur mais révélateur. 26 % reconnaissent avoir déjà fraudé les transports, tandis que 23 % ont prétexté une maladie pour échapper au travail. Des gestes anodins en apparence, mais qui traduisent une perte de confiance dans les institutions et dans la valeur de la norme.
Comme le résume Bruno Jeanbart, vice-président d’OpinionWay :
Les Français ne trichent pas par plaisir, mais parce qu’ils estiment que le système lui-même est devenu injuste.
Les plus jeunes, notamment les moins de 35 ans, se montrent deux fois plus enclins à ces “entorses”. Près de un sur deux reconnaît avoir déjà emprunté un compte Netflix ou Spotify à un ami, ou menti pour éviter un conflit. Dans un monde où tout est monétisé — des loisirs à la santé —, cette génération semble considérer la ruse comme une compétence plus que comme une faute.
Sur le podium des “mensonges acceptables”, on retrouve :
51 % des Français qui admettent mentir pour préserver la paix sociale,
34 % qui ont déjà “séché” le travail ou les cours,
34 % encore qui utilisent un compte de streaming partagé.
Ces chiffres traduisent moins une déviance qu’une adaptation à une économie perçue comme inéquitable. Car quand les géants du numérique augmentent leurs tarifs, que les impôts indirects pèsent sur le quotidien, ou que les salaires stagnent, “ruser” devient un moyen de reprendre la main sur un système jugé déséquilibré.
Ce n’est pas une rébellion, c’est une forme de résilience économique
analyse Sophie de Montluc, sociologue du travail.
👁️ L’œil de l’expert : le baromètre social
Derrière ces chiffres, se dessine une mutation culturelle du rapport à la règle. En période de stress économique, la tolérance à la fraude augmente : chacun cherche à “équilibrer la balance” entre ce qu’il paie et ce qu’il estime recevoir.
Mais cette normalisation du contournement pourrait fragiliser à terme la cohésion économique nationale : moins de déclarations, plus d’économie grise, et une érosion de la confiance mutuelle entre citoyens et institutions.
En clair : ces “petits mensonges” ne sont pas anodins. Ils traduisent le sentiment collectif d’un déséquilibre économique, où la fraude devient non pas un acte illégal, mais une stratégie d’ajustement dans une société perçue comme injuste.
