Le signal d’alarme est à nouveau tiré à La Réunion. Selon les derniers chiffres publiés par l’IEDOM (Institut d’émission des départements d’outre-mer), les dossiers de surendettement ont bondi de plus de 33% en septembre. Cette envolée reflète la dégradation rapide de la situation financière des ménages réunionnais, malgré un contexte national où l’inflation ralentit. Plus qu’un simple indicateur conjoncturel, cette tendance met en lumière les fragilités structurelles de l’économie locale et la pression budgétaire croissante qui pèse sur les foyers les plus modestes.
🚨 Un symptôme économique majeur
Les chiffres parlent d’eux-mêmes. En septembre, 220 dossiers de surendettement ont été enregistrés par l’IEDOM, soit 33,3% de plus qu’à la même période en 2024. Sur les neuf premiers mois de l’année, la hausse atteint +17,2%, un niveau bien supérieur à celui observé dans les autres territoires ultramarins. Pour l’institution, cette évolution traduit « une tension budgétaire durable qui fragilise un nombre croissant de ménages », peut-on lire dans son dernier rapport.
Cette explosion des dossiers s’explique par plusieurs facteurs économiques imbriqués :
- D’abord, la hausse du coût de la vie continue de peser lourdement sur les ménages insulaires : alimentation, énergie, carburant — autant de postes incompressibles dont les prix restent supérieurs à ceux de la métropole.
- Ensuite, le ralentissement de l’emploi local et la précarité persistante du marché du travail aggravent les difficultés de remboursement des crédits à la consommation.
- Enfin, la hausse des taux d’intérêt depuis 2023 a renchéri le coût du crédit, entraînant un effet boule de neige sur les budgets déjà fragiles.
Les conséquences se manifestent désormais à tous les niveaux du système financier. Les inscriptions aux fichiers d’incidents bancaires se multiplient, tout comme les cas de crédits impayés ou de refus d’accès au crédit. Le recours au droit au compte, indicateur clé de l’exclusion bancaire, avait bondi durant l’été avant de se stabiliser en septembre, laissant espérer un début de rééquilibrage. Mais pour l’heure, les autorités locales préfèrent rester prudentes.
Le pic observé cet été pourrait être un point d’inflexion, mais la situation demeure préoccupante
souligne un représentant de l’IEDOM. Les acteurs publics, de leur côté, appellent à renforcer les dispositifs d’accompagnement social et financier. Les banques locales travaillent également à améliorer la prévention du surendettement, notamment via des outils de restructuration et de médiation financière.
👁️ L’œil de l’expert : un révélateur des inégalités
Le surendettement réunionnais n’est pas un phénomène isolé : il illustre les disparités économiques structurelles entre la métropole et les territoires ultramarins. Avec un taux de chômage supérieur à 15% et une dépendance marquée aux importations, l’économie de La Réunion reste vulnérable aux chocs extérieurs.
Derrière les statistiques, c’est tout un modèle de consommation et de financement qu’il faut repenser. Le recours massif au crédit à la consommation, souvent utilisé pour compenser un pouvoir d’achat affaibli, transforme les ménages en « équilibristes budgétaires ».
Sans un renforcement des politiques de prévention, la spirale de la dette risque de devenir un facteur durable d’exclusion financière et sociale.
En d’autres termes, le surendettement réunionnais agit comme un baromètre social : il mesure à la fois la pression économique, la vulnérabilité des ménages, et la nécessité urgente d’une réponse publique coordonnée pour rétablir la stabilité financière sur l’île.