À quelques années de son centenaire, Lego affiche une santé éclatante. Le géant danois du jouet, fondé en 1932 à Billund, a enregistré près de 10 milliards d’euros de chiffre d’affaires en 2024, une performance exceptionnelle dans un marché du jouet mondial en perte de vitesse. Pourtant, derrière ce triomphe se cache un retour d’entre les morts : au début des années 2000, la marque aux petites briques colorées a frôlé la faillite, victime d’une diversification hasardeuse et d’une perte de repères stratégique. Deux décennies plus tard, Lego incarne un cas d’école de redressement économique et managérial, salué dans le monde entier.
🔄 Une diversification qui a failli briser le mythe
Au tournant des années 2000, Lego ne ressemble plus à la marque que le monde adore. Les chiffres virent au rouge : 188 millions d’euros de pertes en 2003, un endettement record et 12 % des effectifs licenciés. Le groupe tente alors de se réinventer à marche forcée, lançant à la fois des parcs d’attractions, des lignes de vêtements, des montres, des films et même des jeux vidéo. Mais cette stratégie tous azimuts désoriente ses clients historiques et dilue son ADN.
Le lancement du produit Mindstorm, une brique robotisée programmable, symbolise cette dérive : un projet novateur, certes, mais jugé trop complexe et trop cher pour séduire le grand public. En 2004, Le Monde s’interrogeait : « Lego éprouverait-il des difficultés à comprendre les enfants du XXIᵉ siècle ? »
C’est le début d’une descente aux enfers. La firme, en perte de vitesse, voit ses parts de marché s’effondrer. Les analystes estiment alors que la marque iconique pourrait disparaître, minée par une stratégie incohérente et un modèle économique essoufflé.
💪 Le rebond magistral par le retour aux fondamentaux
L’histoire aurait pu s’arrêter là. Mais en 2004, la famille fondatrice Kristiansen confie les rênes à Jørgen Vig Knudstorp, un trentenaire formé chez McKinsey. Ce choix audacieux — un PDG extérieur à la famille — va transformer Lego de fond en comble.
Knudstorp taille dans les coûts, passant de 9 000 à 4 000 salariés en cinq ans, et recentre l’activité sur l’essentiel : la brique, cœur du savoir-faire Lego. Il cède ou externalise les divisions non stratégiques — textile, parcs à thème, jeux vidéo — pour se concentrer sur la production, la logistique et l’innovation produit.
Mais surtout, Lego trouve un levier de renaissance : les licences. En s’alliant avec des franchises planétaires comme Star Wars, la marque reconquiert les enfants et séduit une nouvelle génération d’adultes. « Star Wars a permis à Lego de rebondir à un moment où ils avaient du mal à définir leur stratégie ; c’est devenu un modèle pour eux », expliquait Franck Mathais, directeur chez La Grande Récré, au journal Le Monde.
Sous sa direction, Lego rembourse sa dette dès 2006, retrouve la rentabilité, puis dépasse Mattel en 2014 pour devenir le numéro un mondial du jouet. En 2015, le cabinet Brand Finance la désigne même comme « la marque la plus puissante au monde ». Aujourd’hui, avec 14 % de part de marché mondiale, Lego continue d’empiler les records, fidèle à son slogan implicite : reconstruire pour durer.
👁️ L’œil de l’expert : Le parfait modèle de résilience
Lego illustre mieux que quiconque la résilience d’un modèle fondé sur la simplicité, la marque et la culture d’entreprise. Là où la plupart des groupes se sont perdus dans la diversification, Lego a démontré qu’un retour aux fondamentaux pouvait générer une croissance durable et hautement rentable.
L’entreprise a su marier rigueur industrielle et imagination créative, tout en transformant ses partenariats en relais de croissance. À l’heure où les géants de la tech cherchent à se recentrer après des expansions coûteuses, le “cas Lego” est devenu une référence stratégique enseignée dans les écoles de commerce : une leçon de clairvoyance économique et de management visionnaire.





