Le troisième trimestre 2025 marque un tournant préoccupant pour l’économie française. Selon les dernières estimations de l’Insee, plus de 60 000 emplois salariés ont été détruits dans le secteur privé entre juillet et septembre, soit une contraction de 0,3 % par rapport au trimestre précédent. Une chute qui intervient après un rebond inattendu au printemps (+43 300 postes), confirmant désormais une tendance négative durable du marché du travail.
Mais derrière cette statistique se cache un facteur déterminant : le coup de rabot gouvernemental sur les aides à l’apprentissage, responsable des deux tiers des suppressions. En clair, les jeunes en alternance — apprentis et contrats de professionnalisation confondus — payent le prix fort des arbitrages budgétaires opérés cette année.
Après presque quatre années de hausse continue, nous observons le quatrième trimestre consécutif de recul de l’emploi salarié
souligne l’Insee dans son rapport. Pourtant, le volume total d’emplois reste supérieur de 5,2 % à son niveau de fin 2019, soit près d’un million de postes supplémentaires par rapport à l’avant-crise sanitaire. Un paradoxe qui illustre la résilience structurelle du marché de l’emploi… mais aussi sa vulnérabilité conjoncturelle.
⚙️ Apprentissage : fin d’un moteur de croissance de l’emploi ?
Entre 2017 et 2023, la France a connu un boom historique de l’apprentissage, passant de 430 000 à plus d’un million d’apprentis, dopé par une politique volontariste et des aides financières massives. Ce modèle, salué pour son efficacité économique et sociale, a permis une insertion professionnelle rapide, en particulier dans les secteurs du tertiaire et de l’enseignement supérieur.
Mais la dynamique s’essouffle depuis que l’État a décidé de réduire les incitations financières : les primes à l’embauche d’un apprenti ont été abaissées à 5 000 euros pour les PME et 2 000 euros pour les grandes entreprises, contre 6 000 euros auparavant. Ce changement, censé rationaliser la dépense publique, a produit un effet de ciseau brutal : moins d’embauches, moins de formations, et par ricochet, moins d’emplois.
Or, dans un contexte économique déjà fragile — inflation persistante, marges comprimées, taux d’intérêt élevés —, les entreprises n’ont plus la même capacité d’investissement en capital humain. Pour les petites structures notamment, la réduction de ces aides représente un frein réel à la compétitivité et à la formation de main-d’œuvre qualifiée.
L’alternance, longtemps présentée comme le levier anti-chômage des jeunes, risque ainsi de perdre sa fonction de stabilisateur économique. À court terme, cela pèse sur les statistiques de l’emploi ; à moyen terme, cela menace la montée en compétences de toute une génération de travailleurs.
👁️ L’œil de l’expert : un risque de dérive structurelle
Ce recul de l’emploi salarié, encore limité mais symboliquement fort, illustre un changement de cycle. La réduction des aides à l’apprentissage, bien que budgétairement rationnelle, pourrait miner les fondations mêmes de la politique de l’emploi française, qui reposait depuis 2020 sur une logique de co-investissement public-privé.
En d’autres termes, l’État économise à court terme… mais risque de perdre à long terme : moins de jeunes formés, plus de difficultés de recrutement, et un ralentissement de la productivité globale. Pour relancer la machine, plusieurs économistes plaident déjà pour un ciblage plus intelligent des aides — conditionnées à des secteurs en tension ou à des territoires fragiles — afin d’éviter que cette contraction ne devienne structurelle.





