Louis Schweitzer est décédé ce vendredi 7 novembre 2025 à l’âge de 83 ans Il incarnait la passion pour l’industrie et l’État. Petit-neveu d’Albert Schweitzer et fils d’un directeur du FMI, il gravit les échelons de la haute fonction publique après des études à l’ENA et à l’IEP de Paris, côtoyant Philippe Séguin ou Jacques Attali. Après une licence en droit, il débute à l’inspection des finances avant de rejoindre le gouvernement de Pierre Mauroy dans les années 1980.
Laurent Fabius se souvient : « Avec Louis Schweitzer, j’avais une sécurité de travail absolue. Pendant ces cinq années (1981-1986), il n’y aura pas un seul problème entre nous » (Le Monde). Sa carrière politique fut néanmoins marquée par quelques polémiques, comme les affaires du sang contaminé et des écoutes de l’Élysée, pour lesquelles il bénéficia de non-lieu ou de dispenses de peine.
Cette expérience publique et économique a façonné sa vision stratégique et pragmatique, qu’il appliquera ensuite à Renault, où il deviendra un PDG visionnaire.
⚙️ Renault : transformation et expansions
En 1992, Schweitzer devient président-directeur général de Renault. Son mandat, jusqu’en 2005, fut celui de la modernisation et de la globalisation de l’entreprise. Il transforme la régie nationale en société anonyme privatisée en 1996, réduit les effectifs et prend des décisions difficiles, comme la fermeture de l’usine belge de Vilvorde en 1997, qui provoque 3 000 licenciements et conduit à la loi Renault, instaurée pour encadrer les licenciements collectifs.
Sur le plan stratégique, il comprend l’importance des alliances : le rachat de Dacia en 1999, la prise de contrôle de Samsung Motors en 2000, et surtout l’alliance avec Nissan en 1999, basée sur des participations croisées, ouvrent Renault aux marchés asiatiques, européens de l’Est et sud-américains. Selon Bernard Jullien, spécialiste de l’automobile : « Quand on voit le succès de Dacia aujourd’hui, cela reste le principal succès de Louis Schweitzer à Renault ».
Sous sa direction, Renault devient le quatrième constructeur mondial, et des modèles comme la Scénic génèrent des marges significatives. Stéphane Lauer, journaliste, résume : « Grâce à Georges Besse et à Raymond Lévy, Louis Schweitzer a pu faire de Renault un cas d’école de la métamorphose industrielle de la France de la fin du XXe siècle ».
💡 Mentor, philanthropie et engagé
Louis Schweitzer fut également mentor de Carlos Ghosn, recruté chez Michelin en 1996 puis promu à la tête de Renault en 2005. Il confiait : « Ghosn a été absolument exceptionnel dans le redressement de Nissan » (RTL, 2020). Cependant, il reconnaissait que l’alliance Renault-Nissan avait connu des difficultés avant l’arrivée de Ghosn, notamment en raison de stratégies trop ambitieuses.
Après sa retraite des affaires, il se consacre à des causes sociales et environnementales : président de la Halde, co-auteur d’un livre blanc sur la France et l’Europe avec Alain Juppé, président du Conseil des affaires étrangères, et engagé pour le bien-être animal via la Fondation LFDA. Il milita pour la fin des delphinariums en France et pour l’étiquetage des produits issus de l’élevage respectueux de l’animal.
Dans ses dernières années, surnommé « Loulou » chez Renault, il joua un rôle de pompier de la République, pilotant des dossiers délicats comme le rachat de Suez par Veolia et la nomination de Laurence Bertrand Dorléac à la tête de Sciences Po Paris.
👁️ L’œil de l’expert : un modèle d’équilibre
Louis Schweitzer restera dans l’histoire comme l’architecte de la modernisation industrielle française, capable de concilier rigueur économique, décisions difficiles et vision internationale. Son approche équilibrée entre performance financière et responsabilité sociale démontre que leadership et éthique peuvent coexister, offrant un modèle encore pertinent pour les dirigeants de grands groupes mondiaux.





