L’Union européenne amorce un virage stratégique décisif dans sa politique douanière : la suppression de l’exonération des droits de douane sur les colis de moins de 150 euros. Cette décision, qui vise directement des géants comme Temu et Shein, marque un durcissement sans précédent face à l’explosion des importations à bas coût venues d’Asie. Ce changement, poussé notamment par la France, répond à des enjeux cruciaux — concurrence équitable, protection des consommateurs et souveraineté économique. Entre accélération du calendrier, création de frais de traitement et réforme structurelle, c’est toute l’économie du e-commerce low-cost qui s’apprête à être bouleversée.
🇪🇺 Accélération politique et offensive économique
Les ministres européens des Finances ont donné leur feu vert à la suppression de l’exemption douanière pour les colis de faible valeur, un mécanisme en place depuis des années et largement utilisé par les plateformes chinoises pour maintenir des prix ultra-compétitifs. Alors que cette réforme devait initialement intervenir à la mi-2028, les États membres ont décidé d’une mise en œuvre anticipée dès le 1er trimestre 2026, via un dispositif transitoire.
Cette précipitation traduit une volonté claire : endiguer rapidement l’afflux massif de produits importés qui échappent au cadre réglementaire européen. Les plateformes comme Temu et Shein, dont les modèles reposent sur des millions de micro-expéditions quotidiennes, sont au cœur du viseur.
La France a joué un rôle moteur dans ce resserrement réglementaire.
La France a pris l’initiative de réagir au phénomène des petits colis. Cela a payé aujourd’hui
s’est félicité Roland Lescure, ministre de l’Économie, dans une déclaration à l’AFP. Cette victoire politique traduit également une ambition économique : rééquilibrer la concurrence avec les entreprises européennes soumises à des standards bien plus exigeants.
📊 Un séisme pour le e-commerce low-cost
Cette réforme ne se limite pas au rétablissement des droits de douane : elle s’accompagnera aussi de frais de traitement obligatoires sur chaque petit colis entrant dans l’UE. Bruxelles a avancé l’hypothèse d’un tarif forfaitaire d’environ 2 euros par paquet, potentiellement applicable fin 2026.
Pour les consommateurs, cela pourrait signifier la fin des achats “à quelques euros”. Pour les plateformes asiatiques, dont les prix cassés reposent précisément sur des économies de volume et un contournement partiel des règles tarifaires, il s’agit d’un défi majeur.
Au-delà du volet financier, la mesure répond à un impératif de sécurité et de conformité. Comme l’a rappelé Roland Lescure, il s’agit d’« une étape clef pour la protection des consommateurs européens et du marché intérieur, » permettant de lutter contre les produits non conformes et d’affirmer un geste fort pour la souveraineté économique de l’UE.
Cette évolution marque également un moment clé pour le marché intérieur : montée en coûts logistiques, renforcement du cadre juridique, rééquilibrage compétitif et possible relocalisation partielle de certaines chaînes d’approvisionnement.
👁 L’œil de l’expert : un signal fort
Derrière cette décision, l’Union européenne adresse un message limpide : l’ère du “tout-venant low-cost non taxé” touche à sa fin. Cette mesure combine logique budgétaire (nouvelles recettes fiscales), logique économique (protection des entreprises locales) et logique géopolitique (réduction de la dépendance commerciale vis-à-vis de la Chine).
Trois impacts majeurs se dessinent :
Hausse mécanique des prix finaux, qui pourrait modifier les comportements d’achat.
Pression accrue sur les plateformes chinoises, contraintes d’adapter leur modèle logistique.
Renforcement de la souveraineté économique européenne, un axe devenu stratégique dans le contexte actuel.
L’UE s’équipe ainsi d’un outil puissant pour rééquilibrer un marché devenu asymétrique — et prépare le terrain à une réforme douanière plus vaste encore. Une décision structurante, qui pourrait devenir un précédent mondial.





