Aux États-Unis, un nouveau foyer de risque financier attire l’attention des économistes. Après l’avertissement du célèbre investisseur Michael Burry, rendu célèbre pour avoir anticipé la crise des subprimes, c’est désormais Éric Dor, directeur des études économiques à l’IÉSEG, qui met en garde contre une dérive inquiétante : l’explosion des défauts sur les prêts immobiliers de bureau titrisés. Selon lui, la combinaison du télétravail massif et de la chute des loyers crée une pression comparable à celle ayant déclenché la crise de 2008. Un scénario que les marchés ne peuvent ignorer.
💥 “Un taux de défaut qui flambe” : l’inquiétude d’Éric Dor
Dans une note remarquée par BFMTV, Éric Dor alerte sur la montée « d’une intensité exceptionnelle » des défauts sur les prêts immobiliers de bureaux titrisés. Selon lui, ce taux était encore « limité à 1,58 % en décembre 2022 », mais il aurait bondi à 11,76 % en octobre 2025, un niveau qualifié d’inédit et potentiellement appelé à progresser encore.
L’économiste identifie un premier moteur : l’effondrement de l’occupation des bureaux, conséquence structurelle de l’adoption durable du télétravail. Moins de salariés sur site signifie moins de surfaces louées, donc une diminution massive des revenus locatifs, qui fragilise la capacité des propriétaires à honorer leurs emprunts : « Cela génère une insuffisance de revenus locatifs pour assurer le paiement des intérêts et des remboursements », précise-t-il.
Ce déséquilibre financier s’accentue avec le deuxième facteur majeur : la chute des loyers. En deux ans, les loyers bruts ont diminué de près de 8 %, et même jusqu’à 12,8 % si l’on intègre l’inflation cumulée de 5,2 % sur la période. Ce recul brutal réduit la valeur des actifs immobiliers et accroît mécaniquement les risques de défaut.
Comme dans les années 2000, une partie de ces prêts a été titrisée sous forme de CMBS (Commercial Mortgage-Backed Securities), ce qui renforce le risque de contagion financière : « Tous les investisseurs ayant acheté ces actifs sont susceptibles de subir des pertes », avertit Éric Dor. Une mécanique qui rappelle dangereusement les prémices des subprimes.
📉 Encore loin du scénario catastrophe
Malgré ces signaux préoccupants, Éric Dor se garde de tout alarmisme excessif. Il souligne que la comparaison avec 2008 doit être nuancée : « Même si la situation de l’immobilier de bureau reste préoccupante, celle globale des prêts est encore bonne », rappelle-t-il. Autrement dit, si une crise sectorielle est plausible, un effondrement systémique n’est pas encore à l’horizon.
Cependant, plusieurs éléments renforcent la vigilance des économistes et des investisseurs :
La montée rapide du télétravail comme norme durable, réduisant structurellement la demande de bureaux.
La baisse de valorisation des immeubles, qui fragilise les bilans des banques exposées.
La sensibilité des marchés aux actifs titrisés, dont le fonctionnement repose sur un niveau de confiance élevé.
Dans ce contexte, l’avertissement d’Éric Dor fait écho à celui de Michael Burry quelques jours plus tôt, lequel avait encore une fois pris position contre un marché surestimé — cette fois celui de l’IA. Une succession de signaux faibles qui inquiètent les observateurs des marchés.
👁 L’œil de l’expert : un risque systémique… si rien ne change
Le marché américain de l’immobilier de bureau traverse une zone de turbulence profonde. L’explosion des défauts, la baisse des loyers et la désaffection des entreprises pour les surfaces traditionnelles créent un cocktail à risque. Si les fondamentaux globaux restent solides, la dynamique actuelle pourrait suffire à fragiliser des pans entiers de la finance américaine, en particulier les porteurs de CMBS.
Pour éviter une crise façon subprimes, il sera indispensable :
de réévaluer le modèle économique des bureaux,
d’adapter les conditions de financement,
et de surveiller étroitement les marchés de titrisation.
L’économie mondiale ne peut se permettre une nouvelle secousse systémique. Mais si les tendances actuelles se prolongent, la prudence d’Éric Dor pourrait bien devenir une prophétie.





