La crise énergétique continue d’ébranler des millions de foyers français, tandis que les dispositifs publics censés amortir le choc se contractent. Les dernières données officielles reprises par la revue GEO, révèlent une aggravation marquée de la précarité énergétique en 2023, dans un contexte où les coûts de l’énergie restent durablement élevés. Malgré l’ampleur du phénomène, les choix budgétaires de l’exécutif — notamment la baisse des aides MaPrimeRénov’ — laissent penser que cette urgence sociale ne figure plus parmi ses priorités. Une situation dénoncée par les acteurs du secteur, qui alertent sur un risque d’exclusion et d’effondrement du pouvoir d’achat énergétique.
⚡ Une crise énergétique qui s’étend
Le dernier rapport de l’Observatoire national de la précarité énergétique (ONPE) confirme une réalité alarmante : 3,1 millions de ménages, soit 10,1 % de la population, se trouvent en situation de précarité énergétique en 2023. Il s’agit des foyers appartenant au tiers le plus modeste et qui doivent consacrer plus de 8 % de leurs revenus au chauffage, à l’électricité ou aux besoins essentiels en énergie.
Bien que ces chiffres soient relativement proches de ceux de 2022 (3,2 millions de ménages), d’autres indicateurs montrent une dégradation rapide du vécu énergétique.
Le froid s’invite dans les foyers – Le nombre de personnes déclarant avoir souffert du froid dans leur logement grimpe de 30 % en 2024 à 35 % en 2025, selon un échantillon suivi par le médiateur national de l’énergie. Une progression jugée « très rapide sur un an seulement », alerte Maider Olivier, coordinatrice de la Journée contre la précarité énergétique.
Des factures de gaz et d’électricité de plus en plus difficiles à absorber – La part de Français affirmant avoir eu du mal à payer leurs factures dans l’année atteint 36 % en 2025, contre 28 % en 2024, un niveau historique selon le baromètre du médiateur national de l’énergie publié fin octobre.
Des logements toujours plus énergivores – Au 1er janvier 2025, 3,9 millions de résidences principales sont classées passoires énergétiques, soit 12,7 % du parc. Un poids colossal pour les ménages les plus modestes, qui doivent assumer des charges en hausse dans un parc immobilier dégradé.
La mobilité, autre dimension de la précarité énergétique – L’ONPE et l’association Wemoov signalent également que 15 millions de personnes faisaient face en 2023 à des difficultés de déplacement liées au coût de l’énergie — un phénomène qui oblige certains à renoncer à se déplacer, accentuant encore l’isolement social.
🛑Et un gouvernement accusé d’inaction
Alors que la précarité énergétique touche désormais un Français sur dix, de nombreuses organisations soulignent un manque d’engagement politique. « La lutte contre la précarité énergétique ne paraît pas figurer dans les priorités du gouvernement de Sébastien Lecornu », regrettent les initiateurs de la journée de mobilisation annuelle.
MaPrimeRénov’ amputée : un signal incompris – La principale critique vise la réforme récente de MaPrimeRénov’, la subvention phare destinée à financer les travaux de rénovation énergétique. Après une suspension estivale due à une explosion des demandes et à des fraudes massives, le dispositif a rouvert en septembre avec un montant d’aide réduit de moitié. Comme le note Manuel Domergue, directeur des études à la Fondation pour le logement des défavorisés :
Un ménage très modeste touchera désormais 32 000 euros maximum pour des travaux qui peuvent atteindre 70 000 à 90 000 euros.
Cette chute drastique des montants subventionnés éloigne encore davantage les ménages modestes de la possibilité d’améliorer l’efficacité énergétique de leur logement — un choix budgétaire jugé contre-productif par les associations.
Une décision qui fragilise l’économie de la rénovation – Sur le plan macro-économique, ce recul des aides risque de ralentir un secteur déjà bousculé, celui de la rénovation thermique, pourtant essentiel dans la transition énergétique française. Baisse d’activité, incertitude pour les artisans, renchérissement des coûts : la chaîne entière subit l’effet domino de cette réduction de soutien public.
Une fracture énergétique qui menace l’équilibre social – Pour les spécialistes, la combinaison de logements énergivores, de factures élevées et de soutien public en baisse crée un risque accru d’exclusion énergétique. Une spirale dont les effets pourraient se répercuter durablement sur la santé, la mobilité, la cohésion sociale et, in fine, la croissance.
👁️ L’œil de l’expert : une urgence sociale
La précarité énergétique n’est plus seulement une crise sociale : c’est aussi un enjeu économique stratégique. Un parc immobilier inefficace coûte plus cher aux ménages, pèse sur la consommation, réduit la mobilité, affaiblit la croissance et alourdit la facture énergétique nationale.
La baisse des aides publiques, dans ce contexte, crée un désalignement entre les objectifs climatiques, l’attente des ménages et les réalités budgétaires.
Si la France veut éviter une fracture énergétique durable, il faudra une politique cohérente : stabilité des aides, ciblage renforcé des ménages modestes, financement massif de la rénovation globale et lutte active contre les passoires thermiques.
Sans cela, la précarité énergétique risque de devenir un marqueur structurel des inégalités françaises.





