L’année 2025 aura confirmé une réalité désormais bien ancrée : l’industrie du streaming musical évolue à un rythme effréné, portée par des mutations culturelles, technologiques et économiques majeures. En France comme à l’international, les usages, les genres et les comportements d’écoute ont connu une réorganisation profonde. S’appuyant sur le panorama détaillé publié par Deezer cette photographie révèle une dynamique surprenante : la France enracine ses goûts locaux, pendant que la scène mondiale consacre les géantes de la pop internationale.
Dans ce marché ultraconcurrentiel où les plateformes jouent un rôle d’arbitre culturel, les chiffres racontent à eux seuls les tendances qui redessinent aujourd’hui l’économie du streaming.
🎵 France : hyperlocal et rap en puissance
Rap hexagonal, champion incontesté – En 2025, les données de Deezer affichent une constante : le rap reste le genre dominant en France, soutenu par un écosystème puissant — labels, tournées, merchandising, synergies TikTok — qui en fait un pilier économique de l’industrie musicale. Jul conserve sa couronne pour la sixième année consécutive, symbole d’un marché où la fidélité du public garantit des revenus récurrents aux plateformes. GIMS, Ninho, Werenoi, Booba ou encore Damso consolident ce modèle, tandis que The Weeknd demeure l’unique artiste non francophone du Top 10, preuve que l’audience française reste ouverte, mais largement centrée sur sa production locale.
Des usages intensifs, révélateurs d’un marché en pleine maturité – Les utilisateurs français ont écouté en moyenne 177,7 heures de musique, soit l’équivalent de 987 titres et 515 artistes différents. Un chiffre révélateur à deux niveaux : une maturité d’usage qui génère des volumes d’écoute très rentables pour les plateformes, mais également une soif de découverte, matérialisée par 505 nouveaux titres explorés par auditeur.
Cette curiosité se double d’un phénomène notable : 12,6 % des auditeurs développent une écoute quasi monogame, se concentrant sur un ou quelques artistes, un comportement qui restructure profondément la rémunération par flux.
Les voix féminines continuent de fédérer – Chez les artistes francophones féminines, Aya Nakamura, Theodora et… Céline Dion composent un podium intergénérationnel. La longévité de Céline Dion, dont la voix « continue de traverser les générations » affirme Azzedine Fall, Directeur musique et culture chez Deezer, illustre la permanence économique des catalogues historiques.
Une année de mutation stylistique – Pour Azzedine Fall, 2025 marque « une période où les frontières musicales se dissolvent ». De Theodora à Rosalía, de Bad Bunny à Tyler, The Creator, les artistes mixent désormais les codes, réinventent les genres et stimulent un marché friand de flexibilité artistique.
Cette hybridation crée de nouveaux comportements d’écoute… et de nouveaux modèles économiques.
🎧 Monde : domination féminine sans partage
Lady Gaga, impératrice du streaming – À l’échelle mondiale, une seule voix a régné : Lady Gaga, propulsée en tête avec son album Mayhem, renversant Taylor Swift et confirmant la puissance commerciale des artistes féminines. Billie Eilish complète un podium dominé par des stars dont l’influence dépasse largement la musique : cinéma, mode, marketing, engagement social…
Cette centralité explique en grande partie leur capacité à générer des streams massifs, à faire grimper les abonnements et à polariser les communautés.
Les albums qui façonnent l’économie musicale – En France, GIMS décroche la première place avec Le nord se souvient : l’odyssée, un succès illustrant la force économique des têtes d’affiche hexagonales. Mais d’autres phénomènes marquent 2025 comme l’arrivée notable d’un album étranger dans le Top français, signé Bad Bunny, ou encorel’explosion commerciale de Mega BBL de Theodora, sans oublier la percée inédite de la K-pop, dopée par un film Netflix et des concerts événementiels.
La K-pop n’est pas qu’un phénomène musical : c’est une industrie mondialisée, orchestrée avec une précision économique redoutable, et dont les fans génèrent des flux massifs, stables et ultra-engagés.
Enjeu à surveiller : la place de l’électro – En attendant les chiffres Spotify, Deezer classe les musiques électroniques en 4ᵉ position des genres les plus écoutés. Leur progression pourrait restructurer l’offre des plateformes, tant ce genre attire un public jeune, mobile, festif – autrement dit, un public clé dans la stratégie d’acquisition des abonnés.
👁️ L’œil de l’expert : quelles leçons tirer de 2025 ?
L’année 2025 confirme un modèle économique clair : le marché français reste très local, robuste, porté par des artistes nationaux qui génèrent une fidélité rare; la scène mondiale consacre des icônes féminines, devenues de véritables marques culturelles à elles seules. Mais l’hybridation des styles et l’explosion de la K-pop annoncent une diversification économique qui bénéficiera aux plateformes les plus réactives. Enfin, les comportements d’écoute — très intenses, très ciblés ou très exploratoires selon les profils — redessinent la rémunération et l’algorithme des plateformes.
2025 n’est pas seulement une année musicale riche : c’est un tournant pour l’économie du streaming. Et les plateformes, comme les artistes, entrent désormais dans une bataille où l’attention devient la ressource la plus rare… et la plus monétisable.

