Le feuilleton judiciaire opposant deux figures historiques du jeu télévisé Des chiffres et des lettres à France Télévisions vient de connaître un tournant majeur. Bertrand Renard et Arielle Boulin-Prat, remerciés en 2022 après plusieurs décennies d’antenne, sortent victorieux de leur combat devant les prud’hommes.
Les deux ancien(ne)s arbitres annoncés comme « inséparables du programme » ont obtenu des indemnisations particulièrement élevées, révélant un conflit social longtemps sous-estimé au sein du service public audiovisuel.
↔️ Une rupture brutale et une bataille juridique
Des départs qui avaient choqué le public – Lorsque Bertrand Renard (mathématiques) et Arielle Boulin-Prat (orthographe et langue française) quittent Des chiffres et des lettres, l’émoi est immédiat. Après 36 et 47 ans d’antenne respectivement, leur éviction, motivée selon la direction par un changement de modèle contractuel et une baisse de budget, est vécue comme un choc par les téléspectateurs fidèles.
Des conditions contractuelles au cœur du conflit – A l’époque, les deux animateurs travaillaient sous le statut d’intermittents du spectacle, ce que France Télévisions souhaitait transformer en contrats exclusifs annualisés. Renard et Boulin-Prat refusent, au motif que cette modification bouleverserait leurs conditions de travail et réduirait leurs revenus.
Face à l’échec des négociations, France Télévisions met fin à la collaboration. Les intéressés crient à la rupture abusive et saisissent les prud’hommes.
Un jugement sévère pour France Télévisions – Le tribunal leur donne largement raison. On apprend que Bertrand Renard obtient plus de 500 000 € d’indemnités, et qu’Arielle Boulin-Prat touche une somme quasi équivalente. Ces montants tiennent compte, entre autres, de la rupture injustifiée des contrats, du préjudice moral, de la perte de revenus futurs et de l’absence de procédure adaptée.
Le jugement souligne « la brutalité de la rupture » et la discontinuité professionnelle imposée à deux personnalités employées depuis plusieurs décennies.
⚠️ Un dossier symbolique pour le service public
Un avertissement sur la gestion des talents – Cette décision judiciaire ne concerne pas seulement deux animateurs emblématiques : elle met en lumière un enjeu profond de gouvernance. Pour le juge, France Télévisions a sous-estimé la nature de la relation de travail qui liait les deux arbitres à l’émission. Leur ancienneté, leur rôle pédagogique et leur participation à l’image du programme auraient dû imposer un traitement plus protecteur. La condamnation, lourde financièrement, souligne la nécessité pour le groupe public de mieux sécuriser ses pratiques contractuelles, notamment vis-à-vis des intermittents récurrents qui, de fait, s’apparentent à des collaborateurs indispensables.
Un impact pour l’image de Des chiffres et des lettres – L’émission, déjà fragilisée par une audience fluctuante, a vu son image écornée par cette affaire.
On rappelle que Renard et Boulin-Prat faisaient partie des « piliers historiques » du programme depuis plusieurs décennies. Leur départ, puis leur victoire judiciaire, renforcent l’idée d’une rupture volontaire de la chaîne avec son histoire.
Dans un secteur audiovisuel en pleine transformation, où la notoriété et la continuité des visages sont des actifs stratégiques, cette affaire interroge la gestion du capital immatériel des émissions patrimoniales.
👁 L’œil de l’expert
Au-delà de l’émotion suscitée par la décision, ce jugement constitue un signal fort envoyé à tout le secteur audiovisuel. Il rappelle qu’une relation de travail de longue durée, même sous statut intermittent, crée des obligations juridiques et financières significatives. France Télévisions devra désormais intégrer davantage cette dimension dans sa politique RH, afin d’éviter des contentieux aux conséquences économiques lourdes et potentiellement déstabilisantes pour son image.
Pour les professionnels de l’audiovisuel, l’affaire Renard–Boulin-Prat confirme que la fidélité à une chaîne ou à un programme n’offre pas toujours un cadre protecteur… mais qu’elle peut, en revanche, peser lourd dans la balance lorsqu’elle est défendue devant les tribunaux.

