Un basculement inédit dans le financement du logement. C’est un signal fort envoyé par le marché immobilier français : près d’un crédit immobilier sur deux est désormais accordé à des primo-accédants. Une proportion jamais observée auparavant, qui marque une rupture nette avec le début des années 2020. Derrière ce phénomène, se dessine une recomposition économique du financement du logement, portée par la détente des taux d’intérêt, l’action ciblée des banques et un cadre prudentiel assoupli mais maîtrisé.
Selon le Haut Conseil de stabilité financière (HCSF), cette dynamique traduit un rééquilibrage structurel du crédit en faveur des ménages accédant à la propriété pour la première fois.
📊 Le moteur de la reprise du crédit immobilier
À la fin de l’année 2025, 47 à 48 % des prêts immobiliers ont été contractés par des primo-accédants, contre à peine 30 à 32 % au début de la décennie, d’après les données communiquées par le HCSF. L’institution parle d’un niveau « historiquement élevé », soulignant l’ampleur du retournement.
Sur le plan macroéconomique, ce regain s’explique d’abord par un facteur clé : la baisse rapide des taux de crédit immobilier. Selon l’Observatoire Crédit Logement, les taux moyens sont passés d’environ 4,2 % fin 2023 à près de 3,06 % à la mi-2025, redonnant de la solvabilité à des ménages jusque-là exclus du marché. Effet mécanique : la production mensuelle de crédits immobiliers a presque doublé, progressant d’environ 7 à 13 milliards d’euros, comme le confirme la Banque de France.
Mais la dynamique ne tient pas uniquement aux taux. Elle repose aussi sur une stratégie prudentielle assumée. Le HCSF rappelle avoir volontairement orienté une partie de la marge de flexibilité accordée aux banques vers les primo-accédants. Concrètement, si les règles structurantes demeurent — taux d’endettement plafonné à 35 % et durée maximale de 25 ans — les établissements peuvent déroger à ces critères pour 20 % des dossiers, à condition que :
70 % concernent l’achat d’une résidence principale,
30 % bénéficient à des primo-accédants.
« Depuis plus d’un an, la reprise des crédits immobiliers est dirigée vers les primo-accédants », souligne le HCSF lors d’un point presse, assumant clairement cette orientation.
Sur le plan du risque financier, le message est tout aussi clair. « Il n’y a pas de risque spécifique associé à cette part des primo-accédants », affirme l’institution, qui estime que cette montée en puissance s’inscrit pleinement dans un cadre de stabilité financière maîtrisée. Les instruments prudentiels actuels sont donc maintenus.
À ces leviers bancaires s’ajoutent des mesures publiques ciblées qui améliorent l’équation économique des ménages entrants. Depuis le 1er avril, le prêt à taux zéro (PTZ) a été réintroduit pour les maisons individuelles et élargi à l’ensemble du territoire pour le logement neuf, qu’il soit collectif ou individuel. Autre coup de pouce non négligeable : les primo-accédants sont exonérés de la hausse de 0,5 point des droits de mutation départementaux, souvent assimilés aux frais de notaire, ce qui réduit sensiblement le coût total d’acquisition.
👁️ L’œil de l’expert : un soutien ciblé
La montée en puissance des primo-accédants ne relève ni d’un relâchement imprudent du crédit ni d’un simple effet conjoncturel. Elle traduit une stratégie économique cohérente, combinant baisse des taux, incitations publiques et encadrement prudentiel strict. En redonnant accès au crédit aux ménages entrants, le système soutient la fluidité du marché immobilier, stimule l’activité bancaire et sécurise les trajectoires résidentielles, sans créer de déséquilibres majeurs.
À moyen terme, cette dynamique pourrait constituer l’un des piliers les plus solides de la reprise durable de l’immobilier résidentiel en France.

