L’accord commercial signé en Écosse entre Donald Trump et Ursula von der Leyen le 27 juillet 2025 devait apporter la stabilité. Pour Paris, c’est un coup dur. Derrière la promesse d’apaisement commercial, les contreparties européennes semblent déséquilibrées et mettent à mal la compétitivité des entreprises françaises. Décryptage d’un compromis sous tension.
🤜🏻 Un choc économique pour les exportateurs français
L’accord prévoit une hausse des droits de douane américains à 15 % sur les produits européens, une décision perçue à Paris comme une entrave directe à la compétitivité des exportateurs tricolores. Emmanuel Guichard, délégué général de la FEBEA (Fédération des entreprises de la beauté), résume l’amertume :
Ce n’est pas un bon accord pour nous. Nous étions à 0 % en janvier, désormais, nous sommes à 15 %.
De nombreux secteurs sont frappés de plein fouet : vins et spiritueux, agroalimentaire, chimie, semi-conducteurs… Et si certains, comme l’aéronautique, obtiennent une exonération bienvenue, le déséquilibre sectoriel est flagrant. Le Gifas, représentant l’industrie aéronautique, salue l’accord qui permet de « conserver des emplois qualifiés en France ». Une exception qui fait figure d’îlot de stabilité dans une tempête tarifaire.
Côté patronat, le mécontentement est unanime. Patrick Martin, président du Medef, s’insurge :
Si les choses sont bien ce qui nous a été annoncé, ce n’est pas admissible. Il faut continuer à négocier.
La CPME, de son côté, redoute des « répercussions désastreuses pour les PME », tandis que le Meti (Mouvement des entreprises de taille intermédiaire) parle de conséquences préoccupantes.
⚖️ Une asymétrie commerciale insoutenable
Le gouvernement français dénonce un accord déséquilibré, notamment sur le plan des échanges de biens et services. L’UE s’est engagée à 750 milliards de dollars d’achats énergétiques — notamment pour compenser l’arrêt du gaz russe — et à 600 milliards d’investissements supplémentaires aux États-Unis. En retour, les exportations européennes sont pénalisées, sans gain évident.
Le ministre de l’Industrie, Marc Ferracci, résume la position française :
Notre responsabilité aujourd’hui, c’est de faire en sorte que cet accord soit le moins déséquilibré possible
Il plaide pour un rééquilibrage en faveur des services, en particulier numériques, où les États-Unis sont structurellement excédentaires.
La réalité des chiffres illustre cette fracture : alors que les Américains annoncent un excédent de 16,4 milliards de dollars de l’UE vers les États-Unis, les Douanes françaises, elles, font état d’un déficit de 4,2 milliards d’euros. Un écart d’interprétation qui reflète les ambiguïtés statistiques et politiques entourant les flux commerciaux transatlantiques.
✊🏻 L’Europe doit muscler sa défense économique
Dans ce contexte, la France exhorte l’Europe à renforcer sa posture dans les négociations à venir. Le Premier ministre François Bayrou parle d’un « jour sombre pour l’Europe, qui se résout à la soumission », et Éric Lombard, ministre de l’Économie, assure que « l’accord n’est pas finalisé et nous veillerons à ce qu’il soit amélioré ».
Le ministre délégué au Commerce extérieur, Laurent Saint-Martin, voit dans cette situation une opportunité stratégique :
Nous pouvons nous saisir de cette séquence pour nous renforcer.
Plusieurs membres du gouvernement évoquent ainsi des leviers de rétorsion douce, comme la limitation de l’accès des entreprises américaines aux marchés publics européens.
Les discussions techniques à venir porteront sur les secteurs sensibles : pharmacie, aluminium, acier, agriculture, numérique. Les prochains jours seront cruciaux pour infléchir le contenu de l’accord et limiter ses impacts.
Les fédérations des secteurs touchés seront d’ailleurs reçues à Bercy mercredi, dans l’objectif de co-construire une réponse économique et diplomatique adaptée.
👁️ L’œil de l’expert : et le réveil européen ?
Au-delà des chiffres et des hausses tarifaires, cet accord révèle la fragilité stratégique de l’Europe dans les grandes négociations commerciales internationales. Si la stabilité à court terme est assurée, elle s’est faite au prix d’un recul économique, notamment pour les exportateurs français.
L’Union européenne ne pourra plus se contenter de réponses défensives : il devient impératif de construire une politique commerciale offensive, solidaire et souveraine. La France, en première ligne dans cette bataille économique, appelle désormais à une refondation de la doctrine commerciale européenne, pour éviter que les prochaines négociations ne se soldent, une fois de plus, par des concessions à sens unique.