Un rapport récent met en lumière une transformation silencieuse mais profonde de l’agriculture française. Alors que la compétitivité du secteur repose de plus en plus sur la taille et la concentration des exploitations, la France voit fondre ses petites fermes à un rythme inédit. Selon des données officielles reprises par Terre de Liens, ce mouvement accéléré reconfigure l’équilibre économique des territoires et pose des questions cruciales pour la production locale, la résilience alimentaire et la gouvernance foncière.
📉 Une accélération qui recompose l’économie agricole
Le constat dressé par Terre de Liens, sur la base de chiffres du ministère de l’Agriculture, est sans appel : près de 40.000 exploitations de petite taille ont cessé d’exister en trois ans. Une contraction massive du tissu agricole, largement due à des absorptions par des exploitations de plus grande envergure, ce qui témoigne d’un phénomène de concentration accélérée du foncier.
Ce mouvement n’est pas seulement statistique : il bouleverse en profondeur la structure économique de la production française. Les auteurs de l’étude soulignent que cette réduction drastique du nombre de petites exploitations fragilise la capacité des territoires à fournir une alimentation de proximité, repoussant toujours plus loin l’objectif de souveraineté alimentaire locale.
Dans une formule lourde de sens, Coline Sovran, chargée de plaidoyer chez Terre de Liens, évoque « un véritable plan social à bas bruit, étroitement lié à une concentration et une financiarisation inédites des fermes en France ». Cette analyse met en lumière une tendance profonde : les logiques de marché, l’accès restreint au foncier et l’arrivée d’investisseurs non agricoles redessinent la carte productive du pays.
Alors que ce phénomène gagne en ampleur, Terre de Liens entend porter ce dossier au cœur du débat public. À l’occasion du Salon des maires, qui s’ouvre à Paris, le mouvement souhaite sensibiliser les élus locaux à ce qu’il qualifie de « saignée » et présenter des solutions concrètes comme des dispositifs pour démocratiser l’accès au foncier agricole, ou encore des outils de recensement et de valorisation des terres, et enfin la possible mise en place de modèles d’exploitation protecteurs des ressources naturelles, notamment l’eau.
Ces propositions s’inscrivent dans une volonté de reprendre la main sur un foncier de plus en plus capté par des logiques industrielles et financières, souvent éloignées des besoins des territoires et des exploitants qui peinent à s’installer.
👁 L’œil de l’expert : un tournant pour l’agriculture française
La disparition accélérée des petites fermes n’est pas seulement une évolution structurelle : c’est un marqueur économique déterminant. La France se trouve à la croisée des chemins entre un modèle productiviste concentré et un modèle résilient basé sur la diversité des exploitations.
Si la dynamique actuelle se poursuit, c’est l’ensemble de la chaîne de valeur — de la production aux circuits courts — qui risque une transformation radicale. Sans mécanismes de régulation foncière plus ambitieux et un soutien renforcé aux installations agricoles, la capacité du pays à maintenir une agriculture territorialisée, indépendante et durable pourrait être sérieusement compromise.





