Le rapport au cash change radicalement. Selon un bulletin publié par la Banque de France intitulé « Parlons cash », les Français retirent de l’argent liquide de moins en moins fréquemment, mais quand ils le font, les montants sont nettement plus élevés qu’auparavant. Ce phénomène illustre une mutation profonde des comportements monétaires, sur fond de digitalisation des paiements et de recul progressif des distributeurs automatiques de billets (DAB).
En 2024, un peu plus de 1,1 milliard de retraits ont été réalisés dans l’Hexagone, soit un recul de 4,3 % par rapport à 2023, et de 7,1 % en deux ans. Pourtant, le montant moyen retiré a bondi à 126 €, contre seulement 82 € en 2014. Le cash reste donc présent dans les portefeuilles, mais circule autrement.
🏦 Moins de retraits, mais des montants plus élevés
La baisse du nombre de retraits s’accompagne d’un rétrécissement de l’offre physique, avec seulement 42 758 DAB actifs fin 2024, en baisse de 3,5 % sur un an, et de 7,9 % par rapport à 2022. Cette contraction s’ajuste à une demande en mutation, marquée par un usage plus rationnel du liquide. Les Français ont appris à optimiser leur passage au distributeur, souvent pour anticiper plusieurs jours de dépenses, ou pour thésauriser.
Comme le souligne la Banque de France :
Les Français retirent donc moins souvent des espèces au DAB, mais pour des montants plus élevés
En parallèle, la proportion de billets de 50 € injectés dans le système progresse fortement, reflet d’une adaptation de l’offre à la nouvelle réalité du terrain.
La Banque centrale européenne (BCE) a également noté que l’argent liquide est de moins en moins utilisé pour les paiements du quotidien, notamment dans les commerces. Pour la première fois, en 2024, les paiements par carte ont dépassé ceux en espèces en nombre de transactions. En valeur, en revanche, la part du cash reste stable, confirmant son rôle de réserve et non plus uniquement de moyen de paiement.
🌍 Le cash reste roi… dans certaines zones
En dépit de la montée en puissance des paiements numériques, la demande de billets demeure forte à l’échelle européenne. Fin juin 2025, près de 30 milliards de coupures en euro étaient en circulation, représentant une valeur de 1 600 milliards d’euros, selon la BCE. Et cela ne concerne pas uniquement la zone euro : Europe de l’Est, Afrique du Nord, Balkans… le billet en euro circule largement au-delà des frontières de l’Union. Le cash garde donc une fonction de refuge universel, à la fois en période d’instabilité et pour contourner des systèmes bancaires moins fiables.
En France, l’accès aux espèces varie fortement selon les territoires. Une étude relayée par la Caisse des dépôts en juin 2025 met en lumière d’importantes disparités départementales :
👉 En Île-de-France et PACA, la quasi-totalité des habitants peut accéder à une agence bancaire dans sa commune.
❌ Mais en Haute-Saône, Creuse, Meuse ou Lot, plus d’un habitant sur deux en est privé, fragilisant l’inclusion financière de ces zones rurales.
Cette fracture géographique questionne l’égalité d’accès à l’argent liquide, dans un pays où une part significative de la population reste dépendante du cash pour des usages quotidiens ou pour épargner en dehors du système bancaire.
👁 L’œil de l’expert : vers du cash d’appoint
L’évolution du comportement des Français face à l’argent liquide ne signe pas encore sa fin. Le cash devient un outil d’appoint, de précaution ou d’épargne discrète, plus qu’un moyen de transaction régulier. Ce changement de paradigme a des implications concrètes pour le système bancaire, les politiques d’aménagement du territoire et les stratégies monétaires à l’échelle européenne.
Le billet est moins souvent sorti… mais jamais complètement oublié.