Depuis le printemps 2024, une escroquerie redoutablement bien huilée se propage en France. Des fraudeurs se font passer pour des courtiers immobiliers, usurpent des identités réelles et dérobent des dizaines de milliers d’euros aux particuliers. Derrière ces manœuvres, un système organisé qui déstabilise autant les victimes que les professionnels du secteur.
💸 Epargnants floués par un process bien rodé
Le cas de Madame S., adhérente de l’UFC-Que Choisir en Essonne, illustre l’ampleur du fléau. Cherchant à financer son futur logement, elle tombe sur un site de courtage en apparence fiable. Contactée par un certain « Michaël Brizard », présenté comme expert chez HelloPrêt, elle est séduite par la rigueur des échanges : documents officiels, procédures bancaires crédibles, délais respectés… Tout respire le professionnalisme.
Après trois semaines de négociations, le faux courtier demande à la cliente de verser son apport personnel sur un compte étranger, prétendument ouvert chez CaixaBank. En réalité, cette pratique est illégitime : dans une transaction immobilière authentique, seul un notaire peut collecter les fonds. Rassurée par la relation de confiance instaurée, la victime effectue trois virements successifs – 500 €, puis 49 000 €, puis 23 900 €. Montant total perdu : 73 400 €, l’épargne de toute une vie.
Alertée tardivement par sa banque, Boursorama, qui identifie le compte frauduleux, Madame S. se retrouve sans recours. Son établissement refuse de la rembourser, considérant que les virements avaient été validés avec ses codes personnels. L’UFC-Que Choisir dénonce une mécanique redoutable qui met les particuliers dans une position d’extrême vulnérabilité.
🕵️ Usurpations d’identité et manipulation
Les escrocs ne se contentent pas d’improviser : ils s’appuient sur un dispositif sophistiqué. Faux sites de courtage, contenus SEO optimisés sur Google avec des mots-clés comme « prêt rapide » ou « courtier économique », maîtrise du jargon technique et de la réglementation bancaire… tout est conçu pour piéger les particuliers les plus prudents.
Le véritable Michaël Brizard, courtier senior chez HelloPrêt depuis dix ans, explique au Figaro avoir découvert son identité utilisée à son insu :
Tous mes collègues sont victimes de la même usurpation depuis le printemps. L’aplomb de ces fraudeurs est diabolique, et la volumétrie colossale
affirme-t-il. Un de ses confrères a même été agressé par une victime persuadée de retrouver l’escroc. Ce phénomène fragilise directement les acteurs du courtage légal, qui voient leur réputation écornée par des imposteurs opérant à grande échelle. Pour s’en protéger, les professionnels rappellent trois règles d’or :
Penser à vérifier systématiquement l’inscription du courtier sur le registre Orias, l’autorité officielle des intermédiaires financiers.
Se méfier des offres trop belles pour être vraies : un service de courtage coûte entre 1 500 € et 10 000 €, jamais gratuit. Et un prêt n’est jamais consenti sans un minimum de pièces justificatives…
Se souvenir qu’un notaire est le seul habilité à recevoir les apports lors d’une transaction immobilière. Il ne transite jamais d’argent entre un client et un courtier !
👁️ L’œil de l’expert
Cette vague d’arnaques témoigne de la montée en puissance d’une cybercriminalité financière hyper-spécialisée, capable de répliquer les codes du marché immobilier et d’exploiter la confiance des ménages. Elle révèle aussi un vide réglementaire : la protection des consommateurs reste insuffisante face à des réseaux transnationaux qui déplacent les fonds à l’étranger en quelques heures.
Pour les autorités comme pour le secteur bancaire, l’enjeu est double :
renforcer les outils de vérification d’identité numérique,
accélérer la coopération européenne pour tracer et bloquer les flux financiers suspects.
Sans réponse rapide, cette escroquerie pourrait continuer de proliférer, érodant la confiance dans le courtage immobilier et fragilisant l’accès au crédit des ménages français.