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Photo des mains d'une femme, protégeant son bien immobilier contre les intempéries
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Assurer le climat avec une Sécurité sociale climatique ? Le rapport qui inquiète les assureurs

Le 12 juin 2025, un rapport explosif du Haut-Commissariat à la stratégie et au plan a semé le trouble dans le paysage assurantiel français. Intitulé « Repenser la mutualisation des risques climatiques », ce document de 80 pages bouscule les fondations du système d’assurance habitation tel qu’on le connaît. Face à l’ampleur croissante des catastrophes naturelles, le texte propose rien de moins qu’une refonte complète du régime actuel, jusqu’à l’hypothèse radicale d’une Sécurité sociale climatique.

💬 Une perspective qui fait bondir les acteurs du secteur. « Une telle réforme reviendrait à nationaliser une partie de notre activité », s’alarme un représentant de France Assureurs, première organisation professionnelle du secteur. Mais au cœur de cette tension, un constat fait consensus : le coût des risques climatiques devient structurellement insoutenable pour les mécanismes actuels.

🌍 Le climat s'emballe, l'assurance décroche

Depuis plus de dix ans, les sinistres liés au dérèglement climatique ne cessent de grimper, faisant peser une pression croissante sur l’assurance habitation. Le régime Cat Nat, pilier historique de la couverture des catastrophes naturelles, est aujourd’hui sous tension. En 2022, la sécheresse a entraîné plus de 3 milliards d’euros d’indemnisations. L’année suivante, les inondations hivernales suivies d’épisodes de grêle violents ont coûté 2,6 milliards d’euros supplémentaires.

À cette tendance déjà préoccupante s’ajoute une projection inquiétante : selon le Haut-Commissariat, le coût annuel des événements climatiques pourrait atteindre 12 milliards d’euros d’ici 2050, soit une multiplication par cinq des charges actuelles. Ce fardeau pèse à la fois sur les assureurs privés et sur le Fonds Barnier, structure publique de réassurance financée par la taxe Cat Nat.

Mais cette hybridation entre privé et public montre ses limites. Les garanties climatiques restent hétérogènes selon les contrats MRH (multirisques habitation), et certaines catastrophes, comme la sécheresse, sont encore mal prises en charge. Résultat : les Français ne sont pas tous protégés de la même manière, et le risque d’inégalités d’indemnisation augmente avec la fréquence des événements climatiques.

🏛️ Trois scénarios, un défi : repenser l’assurance sous contrainte climatique

Face à cette impasse, le rapport du Haut-Commissariat ne se contente pas du constat. Il propose trois scénarios de refonte, du plus mesuré au plus interventionniste :

1️⃣ Le pilotage régulé, d’abord. Dans cette version, l’État impose un socle obligatoire de garanties climatiques dans les contrats d’assurance habitation. Les assureurs privés restent maîtres d’œuvre, mais doivent se plier à un cahier des charges renforcé. Coût estimé : 2 milliards d’euros par an. Un compromis qui préserverait l’ossature actuelle, tout en harmonisant les couvertures.

2️⃣ La réassurance publique universelle, ensuite. L’État deviendrait le réassureur central de tous les risques climatiques, y compris ceux jusqu’ici mal couverts comme la sécheresse. Cette solution impliquerait une centralisation accrue des flux financiers et une augmentation des prélèvements affectés. Elle renforcerait la solidarité nationale sans aller jusqu’à l’exclusion des assureurs privés. Coût annuel : 5 milliards d’euros.

3️⃣ Enfin, le modèle de rupture : une Sécurité sociale climatique. Dans ce scénario, l’État deviendrait l’assureur en dernier ressort, à travers un organisme public dédié financé par l’impôt. Inspirée de la logique des branches maladie ou retraite, cette structure couvrirait les dommages climatiques par nature : sécheresse, tempêtes, submersion… Les assureurs privés seraient évincés du périmètre climatique. C’est cette option qui cristallise les critiques du secteur, bien que certains économistes y voient une réponse cohérente à la nature systémique du risque climatique.

👁 L’œil de l’expert : un virage inévitable

L’assurance habitation devra évoluer, mais comment. Le réchauffement climatique transforme progressivement le sinistre exceptionnel en aléa prévisible, ce qui sape les fondements même de l’assurabilité privée. Comme le souligne le rapport:

l’enjeu n’est pas de pallier des sinistres ponctuels, mais de repenser la soutenabilité du modèle face à une menace permanente

Si la Sécurité sociale climatique reste un scénario extrême, il révèle une tendance de fond : la nécessité croissante de collectiviser le risque, dans un contexte où la solidarité devient une condition de résilience économique. L’avenir du modèle assurantiel français se jouera dans sa capacité à intégrer cette nouvelle donne sans briser l’équilibre entre mutualisation et responsabilité individuelle.

À propos de l'auteur

Responsable du développement commercial au sein du Groupe Win'Up, Vanessa accompagne des entrepreneurs dans leur projet de création et participe au développement de la notoriété des enseignes du groupe. Sensible aux sujets économiques et financiers, Vanessa partage son avis sur les actualités.