Le secteur automobile européen, longtemps pilier économique et symbole industriel du continent, traverse une zone de turbulences sans précédent. Entre recul du marché, transition énergétique coûteuse et concurrence internationale exacerbée, les constructeurs se retrouvent face à une équation économique quasi insoluble. Comme le souligne Antoine Fraysse-Soulier, analyste chez eToro : « L’automobile européenne fait face à une équation impossible : moins de ventes, plus d’investissements, et une demande électrique qui patine ».
📉 Ventes en chute libre et transition électrique à marche forcée
Avant la pandémie, l’Europe immatriculait près de 18 millions de véhicules neufs par an. En 2025, les prévisions tombent à 14,9 millions, soit l’équivalent des marchés italien et espagnol effacés en à peine cinq ans. Cette contraction reflète la double peine de l’inflation et du coût du crédit automobile, qui fragilisent le pouvoir d’achat et détournent les ménages vers l’occasion ou vers le report d’achat.
À cette baisse structurelle s’ajoute le défi réglementaire : la fin programmée des moteurs thermiques d’ici 2035. Les constructeurs doivent investir massivement dans les batteries, logiciels et nouvelles chaînes de production. Problème : ces milliards investis s’accompagnent d’un affaiblissement des marges, tandis que la demande pour les modèles électriques reste inférieure aux anticipations.
L’exemple allemand est révélateur : depuis la suppression des subventions publiques, les ventes de véhicules électriques reculent. Le prix élevé des modèles, combiné à un réseau de recharge encore insuffisant, accentue la réticence des consommateurs. Résultat : les groupes automobiles européens voient leur stratégie de transition freinée par un marché peu réceptif, alors même que les coûts d’innovation explosent.
🌏 Concurrence et menace de déclassement
Si les difficultés internes pèsent lourd, la menace externe est tout aussi préoccupante. La Chine est devenue en 2025 le premier producteur mondial, dépassant à elle seule les volumes combinés des États-Unis et de l’Europe. Ses constructeurs – BYD, Nio, SAIC – bénéficient d’une maîtrise stratégique des batteries et proposent des véhicules 20 à 30 % moins chers que les modèles européens comparables. Résultat : leur percée sur le marché européen s’accélère.
À cette offensive s’ajoute la compétitivité japonaise et coréenne, portée par une offre hybride et électrique jugée plus fiable et mieux positionnée en prix. L’Europe, elle, paie son retard dans la filière batteries et son dépendance persistante aux fournisseurs asiatiques, qui grève son autonomie stratégique.
Côté image, seuls Mercedes et BMW conservent un certain prestige grâce à leur positionnement premium. Les mastodontes comme Volkswagen, Renault et Stellantis souffrent d’un déficit de crédibilité face à Tesla et aux nouveaux acteurs asiatiques, plus agiles et innovants. L’héritage industriel, longtemps perçu comme une force, devient un poids dans un marché bouleversé où les codes évoluent à grande vitesse.
👁️ L’œil de l’expert : urgence de changer
L’industrie automobile européenne se retrouve à un carrefour décisif. La réorganisation de la filière, notamment autour des batteries et des logiciels, apparaît incontournable pour éviter un déclassement durable. L’avenir pourrait passer par une montée en gamme, mais aussi par des alliances plus stratégiques afin de réduire la dépendance technologique vis-à-vis de l’Asie.
En clair, sans adaptation rapide, ce secteur qui emploie des millions de personnes et génère une part essentielle du PIB européen risque de perdre son statut de pilier industriel et social. Comme le résume Antoine Fraysse-Soulier :
Moins de ventes, plus d’investissements et une concurrence mondiale renforcée : l’automobile européenne joue sa survie économique dans la prochaine décennie »