Alors que le programme du Système de combat aérien futur (SCAF), censé remplacer les Rafale français et les Eurofighter allemands et espagnols, traverse une crise majeure, Paris envisage désormais de développer un avion de combat en solitaire. Ce projet titanesque, estimé à 50 milliards d’euros, soulève autant d’espoirs industriels que de tensions diplomatiques au sein de l’Europe de la défense.
✈️ Un projet stratégique à 50 milliards €
Initialement conçu comme un partenariat trilatéral entre la France, l’Allemagne et l’Espagne, le SCAF devait entrer dans sa deuxième phase en 2026. Mais les négociations s’enlisent : répartition des tâches industrielles, gouvernance et rivalités entre Dassault Aviation (France) et Airbus Defence & Space (Allemagne/Espagne) bloquent tout avancement depuis des mois.
Un responsable français a confié anonymement à la presse que « si aucun accord n’émerge, la France saura concevoir seule un avion de chasse de nouvelle génération ». Cette déclaration s’inscrit dans la ligne dure affichée par Éric Trappier, PDG de Dassault, qui martèle que son groupe peut mener ce programme « de A à Z, tout seul ».
Sur le plan économique, l’enjeu est colossal :
50 milliards € minimum pour la conception, le développement et la production.
Des retombées majeures attendues pour la filière aéronautique française, qui pourrait se renforcer comme acteur central face à Airbus.
Mais aussi un risque financier considérable : assumer seul un tel programme exposerait la France à un poids budgétaire inédit dans un contexte de finances publiques déjà fragiles.
Comme le souligne l’économiste de la défense Jean-Michel Oudot :
Ces projets de très haute technologie s’étalent sur plusieurs décennies, avec des coûts souvent sous-estimés au départ. L’autonomie a un prix, et il peut se révéler explosif pour les finances nationales.
🇪🇺 Bras de fer industriel et diplomatique
Derrière les chiffres, c’est un affrontement stratégique qui se joue. Depuis le lancement du programme en 2017, Dassault réclame plus d’autonomie en tant que maître d’œuvre désigné par les trois États. Mais Airbus, soutenu par Berlin et Madrid, refuse de se contenter d’un rôle secondaire. Cette rivalité empoisonne les relations et bloque tout compromis.
Le contraste est saisissant entre la fermeté française et les déclarations plus nuancées de ses partenaires. En visite à Madrid, le chancelier allemand Friedrich Merz a récemment assuré vouloir « essayer d’arriver à une solution d’ici fin 2025 ». Mais l’impatience grandit côté français, où l’on redoute une perte de leadership industriel si le calendrier s’éternise.
Au-delà du symbole politique, l’impact économique pourrait être massif :
Si Paris s’engage seule, elle capterait 100 % des retombées industrielles sur son territoire.
En revanche, elle prendrait le risque d’affaiblir la coopération européenne en matière de défense, déjà fragilisée par des divergences récurrentes sur les programmes militaires.
L’équilibre délicat entre souveraineté stratégique et mutualisation des coûts devient le nœud du problème.
👁️ L’œil de l’expert : le temps d’assumer
La menace d’un « SCAF à la française » révèle l’ampleur du bras de fer entre ambitions nationales et coopération européenne. D’un côté, Dassault et l’État voient une opportunité unique de consolider l’industrie aéronautique française et d’affirmer leur autonomie stratégique. De l’autre, les risques financiers, budgétaires et diplomatiques pourraient transformer ce pari en casse-tête durable.
Le choix qui se profile est clair : accepter de partager davantage le leadership avec Airbus pour sauver l’alliance européenne, ou assumer seul un projet pharaonique qui pourrait redessiner le paysage de la défense… mais au prix d’une facture astronomique