La contestation sociale continue de paralyser une partie de Boeing : vendredi 12 septembre, les 3 200 employés syndiqués de l’IAM District 837 ont, pour la troisième fois, rejeté un accord proposé par la direction. Cette grève, déclenchée début août sur plusieurs sites stratégiques du Missouri et de l’Illinois, ne se limite plus à un simple conflit salarial : elle pourrait à terme fragiliser la chaîne de production d’appareils militaires cruciaux et peser sur la compétitivité financière du groupe.
💵 Un blocage aux lourdes répercussions
Depuis plus d’un mois, les usines de Saint-Louis, Saint-Charles et Mascoutah sont à l’arrêt. Ces sites produisent des équipements de défense majeurs tels que les F-15, les F-18, le drone MQ-25 ou encore le système d’entraînement T-7 Red Hawk. Chaque semaine de grève représente un coût croissant en termes de délais de livraison et d’image auprès des clients institutionnels, au premier rang desquels le Pentagone.
Le syndicat justifie son refus répété par l’absence de mesures jugées essentielles : une prime à la signature jugée trop faible et une revalorisation des retraites inexistante.
L’offre modifiée n’incluait pas une prime à la signature suffisante par comparaison avec ce que les autres employés de Boeing ont reçu
souligne l’organisation syndicale, citée par l’AFP. De son côté, Jody Bennett, vice-président de l’IAM, accuse l’avionneur de sous-investir dans ses salariés :
Boeing a les ressources pour investir dans ses personnels, mais il continue à les flouer.
Ces blocages répétés, dans un contexte déjà tendu par les problèmes de qualité rencontrés sur le segment civil, risquent d’éroder davantage la confiance des investisseurs.
📊 Un risque inquiétant sur le long terme
Si le PDG Kelly Ortberg minimise pour l’instant l’impact de la grève sur les résultats financiers — « en ce qui concerne l’impact sur la performance financière du groupe, je ne m’inquiéterais pas trop », a-t-il déclaré jeudi — la situation pourrait rapidement évoluer. En effet, chaque mois supplémentaire de conflit pèse non seulement sur la trésorerie mais aussi sur la crédibilité industrielle de Boeing vis-à-vis de ses donneurs d’ordres militaires.
Dan Gillian, responsable de la branche Boeing Air Dominance, s’est dit « déçu » du rejet du dernier accord, rappelant que le groupe avait « plusieurs fois ajusté son offre sur la base des retours des employés et du syndicat ». Mais avec trois versions d’accord déjà repoussées depuis juillet, le dialogue social s’enlise.
Pour l’heure, Boeing insiste sur sa capacité à contenir l’effet de la grève, affirmant que la production des autres divisions du groupe n’est pas affectée. Mais sur un marché mondial de la défense marqué par une intensification des commandes, tout retard récurrent pourrait se transformer en perte de parts de marché face à des concurrents comme Lockheed Martin.
👁️ L’œil de l’expert
Le conflit chez Boeing illustre un paradoxe : alors que le groupe affiche des carnets de commandes militaires solides, sa gouvernance sociale fragilise sa performance à long terme. Une grève prolongée risque d’amplifier la facture opérationnelle et d’alourdir les négociations avec ses partenaires publics. À court terme, la solidité financière de Boeing reste intacte, mais l’accumulation de tensions sociales et industrielles pourrait faire vaciller un équilibre déjà mis à mal par les difficultés du secteur civil. Pour les marchés, la vigilance est désormais de mise : si la contestation se prolonge, l’impact pourrait devenir systémique.