Alors que les tensions géopolitiques redessinent les priorités économiques, Bpifrance s’impose en chef d’orchestre du réarmement industriel français. La banque publique d’investissement prépare le lancement officiel de son placement Défense pour les particuliers le 14 octobre 2025, tout en exhortant les entreprises du secteur à accélérer leur production. Objectif : permettre à la France de tenir la trajectoire ambitieuse fixée par l’OTAN — consacrer 3,5 % du PIB aux dépenses militaires d’ici 2035 — et renforcer une filière industrielle devenue hautement stratégique.
🪖 Une filière sous pression : produire plus, plus vite
Selon la dernière étude de Bpifrance Le Lab, la France devra mobiliser près de 15 milliards d’euros de financements supplémentaires — dont 5 milliards en fonds propres et 10 milliards de dettes — pour accompagner la montée en puissance de son industrie de défense. L’effort à fournir est colossal : le chiffre d’affaires global du secteur devra bondir de 53 milliards à 84 milliards d’euros d’ici 2030, soit une croissance annuelle moyenne de 7,6 %.
Une progression bien supérieure aux rythmes observés depuis le déclenchement de la guerre en Ukraine (+5,5 %) et aux prévisions des industriels du panel Bpifrance Le Lab (+3 %).
L’institution estime que les besoins de production atteindront 117 milliards d’euros en 2035, entre commandes nationales et exportations. Cette montée en cadence suppose une mobilisation coordonnée de tout l’écosystème, de la grande entreprise aux sous-traitants, en passant par les PME stratégiques.
Mais les signaux d’alerte se multiplient. Bpifrance pointe des tensions persistantes entre donneurs d’ordre et sous-traitants, avec une pression accrue sur les marges et un manque chronique de trésorerie touchant plus d’un tiers des “entreprises cœur défense”. Une fragilité structurelle qui, à terme, pourrait compromettre l’effort collectif.
Il faudra un engagement plus marqué de l’écosystème industriel si nous voulons atteindre les objectifs fixés
résume Bpifrance Le Lab dans son communiqué.
💰 La Défense s’ouvre aux épargnants
Pour soutenir cette dynamique, Bpifrance lancera le 14 octobre son “Fonds Défense”, un nouveau produit d’épargne destiné au grand public. Ce fonds, annoncé en mars dernier lors d’un colloque à Bercy, vise à lever 450 millions d’euros auprès des particuliers. Une innovation qui pourrait réconcilier patriotisme économique et rendement financier.
Notre ambition est de mobiliser les Français autour d’un enjeu stratégique tout en leur offrant une nouvelle opportunité d’investissement
explique un porte-parole de Bpifrance. Cette initiative intervient alors que le secteur attire un nombre croissant d’acteurs extérieurs : 43 % des entreprises non issues de la défense souhaitent désormais y entrer, que ce soit par opportunité (notamment dans l’aéronautique, l’optique ou le spatial) ou par nécessité, face à la transformation de leurs marchés historiques (chimie, automobile, métallurgie).
Bpifrance veut donc transformer cette conjoncture en levier d’investissement massif, en structurant une filière plus robuste et mieux capitalisée.
👁️ L’œil de l’expert
L’initiative de Bpifrance illustre la fusion progressive entre stratégie industrielle et politique économique. En proposant aux particuliers d’investir dans la défense, l’État ouvre une nouvelle voie de financement souverain tout en réduisant la dépendance aux marchés internationaux.
Mais cet élan suppose une discipline budgétaire et une vision industrielle à long terme. Sans maîtrise des coûts, ni renforcement des marges des sous-traitants, le pari du réarmement productif pourrait vite se heurter à la réalité économique.
En somme, la réussite de ce “fonds Défense made in France” dépendra moins du patriotisme des épargnants que de la capacité de l’industrie à livrer plus, mieux et durablement.