L’horizon s’assombrit pour les amateurs de tartines matinales : les rayons de confiture pourraient se vider dès la rentrée 2025. En cause, une récolte catastrophique de fruits rouges à travers l’Europe, qui fragilise toute la chaîne de valeur, des producteurs aux industriels. Mais au-delà de l’anecdote alimentaire, c’est toute une filière économique qui se trouve bousculée, entre flambée des coûts de production, tensions commerciales et transformation des recettes.
« Les fruits cultivés en France sont principalement réservés au frais, pas à la transformation industrielle », explique Maud Descamps, journaliste pour TF1info. Une simple question de calibrage, certes, mais dont les conséquences risquent d’être bien plus amères que sucrées.
🍓 Récoltes en chute libre, industrie sous tension
Jamais depuis quatre décennies, les chiffres de production n’avaient atteint de tels planchers. Les fraises polonaises ont vu leurs volumes fondre de 50 %, laminées par un printemps glacial puis des pluies persistantes. En Serbie, c’est l’effet inverse : une sécheresse extrême — « 40 jours sans pluie, une situation inédite » — a dévasté les plantations de framboises, denrée clé pour les confitures d’entrée de gamme. Et la cerise griotte, ingrédient essentiel de nombreuses recettes traditionnelles, devient tout simplement introuvable.
Face à ce choc d’offre, les industriels n’ont d’autre choix que de revoir leurs plans. Et c’est là que le bât blesse économiquement : les prix des fruits à transformer explosent sur les marchés agricoles, augmentant mécaniquement le coût de production des pots de confiture. Or, cette hausse ne peut pas toujours être répercutée facilement, du fait des marges déjà serrées dans la grande distribution.
L’augmentation aura lieu dès septembre
anticipe Maud Descamps. La fourchette actuelle de 1,20 € à 3,50 € par pot pourrait bien devenir de l’histoire ancienne. Pour Adrien Mary, Délégué général de la FIAC (Fédération des industries d’aliments conservés), tout dépendra de l’issue des négociations commerciales en cours : « Les hausses dépendront du rapport de force entre industriels et enseignes ».
🏷️ Des pots allégés… en fruits : fin de la qualité ?
Quand les matières premières se raréfient, l’industrie s’adapte. Mais parfois au détriment du produit. L’une des stratégies envisagées par certains fabricants consiste à réduire le taux de fruits dans les recettes, en le compensant avec plus de sucre ou des additifs. Cette dérive, si elle se confirme, poserait un vrai problème de qualité nutritionnelle, tout en brouillant la confiance des consommateurs.
Un autre sujet brûlant concerne la traçabilité. Selon une enquête de l’association CLCV, 64 % des pots ne mentionnent pas clairement l’origine des fruits utilisés. Un flou regrettable, à l’heure où les consommateurs plébiscitent de plus en plus les circuits courts et l’origine France.
👉 Quelques conseils pour les acheteurs attentifs :
Vérifiez systématiquement le pourcentage de fruits mentionné sur l’étiquette.
Méfiez-vous des formules « modifiées » ou « allégées », souvent moins riches en fruits.
Privilégiez les produits labellisés français ou, mieux encore, envisagez le fait maison, en achetant des fruits de saison.
👁️🗨️ L’œil de l’expert
Cette crise est révélatrice d’un double déséquilibre structurel : d’un côté, une filière agricole européenne fragilisée par le dérèglement climatique, de l’autre, une industrie agroalimentaire contrainte par des logiques de marges et de volume. Entre les deux, le consommateur risque de payer l’addition — financière et qualitative.
Pour sortir de cette impasse, il devient sans doute urgent de repenser les circuits d’approvisionnement et de renforcer la souveraineté fruitière française, notamment via le soutien aux cultures destinées à la transformation. Si les petits déjeuners changent, les modèles économiques de la confiture devront eux aussi évoluer pour survivre.