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Crédit à la consommation : un Français sur deux s’endette… en toute tranquillité ?

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Longtemps perçu comme un recours ponctuel ou une réponse à des situations d’urgence, le crédit à la consommation s’impose désormais comme un outil de gestion financière courant dans les foyers français. De plus en plus utilisé pour financer des projets de vie, amortir un choc budgétaire ou simplement lisser des dépenses, il est détenu aujourd’hui par 40 % des Français, selon une étude CSA Research/Cofidis 2024. Une réalité qui en dit long sur la transformation silencieuse de la relation des ménages à l’endettement.

Au-delà des chiffres bruts, cette évolution révèle une cartographie sociale, régionale et comportementale du crédit, avec des usages différenciés selon le territoire, le profil ou les besoins. Le crédit, loin d’être une béquille financière honteuse, devient une modalité intégrée de la consommation moderne, légitimée par sa flexibilité et sa rapidité. Mais cette banalisation interroge aussi sur les limites d’un modèle centré sur le recours à l’emprunt, même lorsque les finances sont stables.

Disparités régionales et pratiques différenciées

Le recours au crédit à la consommation n’est pas uniforme sur le territoire. Si la moyenne nationale affiche 40 %, certaines régions explosent littéralement les compteurs. C’est le cas des Hauts-de-France, où 52 % des habitants détiennent au moins un crédit à la consommation – un record national. À l’autre extrémité, l’Île-de-France reste en retrait, avec seulement 29 % de ses habitants concernés.

Entre ces deux extrêmes, les Pays de la Loire (47 %), la Bourgogne-Franche-Comté (44 %) ou encore la Provence-Alpes-Côte d’Azur (43 %) témoignent d’une dynamique d’endettement significative. En Occitanie et Nouvelle-Aquitaine, le taux atteint 41 %, contre 39 % dans le Grand Est et 36 % en Normandie. Ces disparités dessinent une géographie du crédit révélatrice des fractures économiques et sociales, où les ménages les plus exposés à l’instabilité financière recourent plus volontiers à l’emprunt pour préserver un équilibre budgétaire.

La nature du crédit souscrit reflète cette diversité d’usage. Le prêt personnel, jugé plus souple, est plébiscité par 53 % des emprunteurs. Le crédit renouvelable, plus risqué mais plus souple en trésorerie, représente encore 26 % des contrats. Enfin, la location avec option d’achat (LOA), de plus en plus populaire dans le secteur automobile, séduit 17 % des emprunteurs.
Selon CSA Research, cette segmentation illustre le fait que « le crédit à la consommation n’est pas un produit uniforme, mais une solution modulable selon les profils et les objectifs de vie. »

A quoi sert vraiment le crédit aujourd’hui ?

Pourquoi les Français empruntent-ils ? Le véhicule individuel reste la première motivation, avec 36 % des crédits orientés vers l’achat d’une voiture. Un marqueur fort de la dépendance à l’automobile, surtout en zones périurbaines. Viennent ensuite les travaux de rénovation (25 %), preuve d’un besoin de valorisation du patrimoine ou d’adaptation énergétique. Les dépenses imprévues (16 %) et les achats d’équipements électroménagers ou technologiques (15 %) confirment l’usage utilitaire du crédit, plus que le luxe ou le loisir.

Les vacances (8 %) ou le financement des études supérieures (7 %) occupent une part plus marginale, mais traduisent tout de même une aspiration à préserver un niveau de vie ou à soutenir un parcours éducatif dans un contexte de coût élevé de la formation.

Le profil type de l’emprunteur en 2024 ? C’est un homme actif, âgé de 35 à 50 ans (80 %), urbain (37 % vivent en centre-ville) et qui se déclare « bon gestionnaire » dans 86 % des cas. Contrairement aux idées reçues, les emprunteurs ne sont pas des foyers en difficulté mais souvent des ménages structurés, qui utilisent le crédit comme un levier budgétaire stratégique.

Et ce choix semble assumé : 83 % des emprunteurs déclarent rembourser sans difficulté. Un chiffre qui rassure, mais qui masque la fragilité potentielle liée à l’empilement de plusieurs crédits, surtout dans un contexte de hausse des taux.

️ L’œil de l’expert : la banalisation du crédit

Le crédit à la consommation a changé de statut. Il n’est plus un signe de faiblesse mais un instrument d’optimisation financière pour les ménages. Son accessibilité, sa modularité et sa diversité en font un pilier silencieux de l’économie domestique moderne.

Mais cette normalisation pose aussi question : jusqu’où peut-on s’endetter pour préserver son niveau de vie ? Dans une société confrontée à l’érosion du pouvoir d’achat et à la volatilité des dépenses, le crédit semble parfois compenser l’absence de marge budgétaire structurelle. Si les emprunteurs gèrent bien leurs échéances aujourd’hui, qu’en sera-t-il demain, en cas de ralentissement économique ou de hausse des taux ?

Comme le soulignait récemment Frédéric Micheau, directeur d’études chez OpinionWay, « le crédit devient un miroir de nos désirs, mais aussi de nos vulnérabilités ». Il revient désormais aux institutions financières, aux pouvoirs publics et aux consommateurs eux-mêmes de garder ce miroir bien orienté – vers la prudence, l’anticipation, et non la dépendance.

Written by
Vanessa Vallée

Responsable du développement commercial au sein du Groupe Win'Up, Vanessa accompagne des entrepreneurs dans leur projet de création et participe au développement de la notoriété des enseignes du groupe. Sensible aux sujets économiques et financiers, Vanessa partage son avis sur les actualités.

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