Le paysage bancaire français continue sa mue, et le Crédit Agricole entend bien y jouer un rôle de premier plan. Sa filiale LCL, en tandem avec Crédit Agricole Assurances, a lancé des négociations exclusives avec le fonds AnaCap pour racheter Milleis Banque, l’ex-filiale française de Barclays. Une opération discrètement préparée, qui illustre la volonté du groupe mutualiste de consolider sa présence sur le segment très convoité de la clientèle patrimoniale, un marché à fort potentiel, à mi-chemin entre banque de détail et banque privée.
🏦 Une acquisition dans un marché en pleine mutation
Avec cette opération, LCL s’apprête à absorber l’intégralité du Groupe Milleis, incluant Milleis Banque, sa filiale d’assurance Milleis Vie, ainsi que la société de gestion Cholet Dupont Oudart, acquise en 2021. Parallèlement, la branche assurances du Crédit Agricole reprendrait Milleis Vie, dans une manœuvre qui vise à optimiser la répartition des actifs au sein du groupe.
Cette acquisition permettrait à LCL de consolider sa position sur le marché de la clientèle patrimoniale et de développer des synergies
affirme le Crédit Agricole dans son communiqué officiel. Pour Crédit Agricole Assurances, il s’agirait également de renforcer sa filiale Spirica sur le segment haut de gamme, tout en diversifiant ses circuits de distribution.
Milleis Banque, désormais rentable après des années de restructuration, gère aujourd’hui 12,6 milliards d’euros d’actifs, pour un chiffre d’affaires stable de 150 millions d’euros en 2023 comme en 2024. L’établissement, qui emploie plus de 700 salariés et compte 64 000 clients, représente une cible stratégique pour les banques désireuses de capter une clientèle dite « mass affluent » — disposant d’un patrimoine financier compris entre 100 000 € et 1,5 million €. Ce segment, particulièrement dynamique en France, attise actuellement les convoitises de tous les grands groupes bancaires.
📈 Une manœuvre à haut potentiel pour Crédit Agricole
En parallèle du rachat de la banque privée belge Degroof Petercam en 2023, ce mouvement marque une accélération notable de la stratégie haut de gamme du Crédit Agricole, confirmée par Olivier Gavalda, directeur général de Crédit Agricole SA depuis mai dernier. C’est d’ailleurs sa première grande opération depuis son entrée en fonction.
L’officialisation du rachat de Milleis, prévue pour le premier semestre 2026, reste toutefois suspendue à plusieurs conditions : autorisation des autorités de régulation, clôture des audits et validation finale des parties prenantes. Aucun montant n’a pour l’instant été communiqué, mais l’intérêt stratégique de l’opération dépasse largement le chiffrage : en renforçant LCL sur un créneau intermédiaire entre banque privée et clientèle de détail aisée, Crédit Agricole se positionne pour absorber une part significative de la croissance à venir sur ce segment.
Elle donnerait aussi l’opportunité à Crédit Agricole Assurances d’élargir ses canaux de distribution
souligne le groupe. Une diversification bien pensée à l’heure où l’assurance-vie et les produits structurés représentent des leviers majeurs de rentabilité à moyen terme, dans un contexte de taux encore instables.
👁 L’œil de l’expert : le client patrimonial
Ce rachat illustre une vérité simple mais cruciale : le client patrimonial est devenu l’enjeu stratégique des banques universelles. Ni assez fortuné pour relever de la gestion privée internationale, ni assez modeste pour n’être qu’un client de détail, il constitue un réservoir de croissance et de marge brute particulièrement attractif.
En absorbant Milleis, Crédit Agricole réalise un double coup : il élargit sa base clients dans un segment lucratif et renforce son maillage en assurance, tout en repositionnant LCL comme acteur majeur du conseil patrimonial. La logique industrielle est limpide : plus de volumes, plus de cross-selling, et une meilleure valorisation des actifs clients.