La succession de chocs géopolitiques et politiques – guerre en Ukraine, tensions commerciales avec les États-Unis, instabilité gouvernementale en France – plonge les entreprises dans une incertitude inédite. Les dirigeants avancent désormais « dans la purée de pois », comme le résume un responsable patronal interrogé par BFM Business, incapables de bâtir des stratégies solides ou de sécuriser leurs investissements.
Face à ce brouillard permanent, trois risques dominent : la fragilité monétaire, la guerre commerciale et la superposition des crises internationales.
💱 Le risque de la crise monétaire
Le risque monétaire est devenu une inquiétude majeure pour les acteurs économiques. L’annonce par Donald Trump du limogeage d’une gouverneure de la Réserve fédérale illustre son obsession d’affaiblir le dollar à tout prix, quitte à rompre avec le consensus qui, depuis Franklin D. Roosevelt, liait indépendance de la Fed et stabilité économique.
Désormais, les exportateurs français redoutent un aléa systémique : au lieu d’être un pilier de confiance, le dollar devient source de volatilité. Comme l’explique l’économiste Éric Dor, professeur à l’Iéseg :
Les investisseurs peuvent très vite basculer dans la défiance. L’instabilité du dollar fragilise directement nos entreprises exportatrices.
Cette incertitude rend toute planification financière périlleuse et alimente une nervosité grandissante sur les marchés.
📦 Le casse-tête douanier permanent
Au-delà des devises, la guerre commerciale impose aux industriels européens un quotidien semé d’embûches. Les nouvelles barrières tarifaires, particulièrement vis-à-vis des États-Unis, rendent l’exportation de biens complexes presque imprévisible.
Un industriel confie à BFM Business:
Exporter une machine vers les États-Unis relève du parcours d’obstacles.
Entre droits de douane sur l’acier et l’aluminium pouvant grimper jusqu’à 50 %, règles floues et calculs incertains sur les composants métalliques, les entreprises manquent de visibilité pour fixer leurs prix ou garantir leurs marges.
Résultat : retards, contournements et incertitudes, malgré une demande toujours forte pour les technologies européennes. Ce climat pèse sur la compétitivité des entreprises françaises, déjà fragilisées par des coûts de production élevés.
🔥 Une instabilité permanente
À la guerre en Ukraine s’ajoutent les tensions au Moyen-Orient, les frictions en Asie autour de Taïwan, ou encore la rivalité Inde-Pakistan. Cette accumulation provoque une instabilité mondiale structurelle.
Comme le souligne l’ancien chef d’état-major Thierry Burkhard, chaque crise crée un « effet cliquet », c’est-à-dire une cicatrice durable qui empêche le retour à une normalité économique. L’empilement des tensions géopolitiques génère une pression permanente sur les chaînes d’approvisionnement, les prix de l’énergie et la confiance des marchés.
Face à cette situation, les entreprises s’adaptent. Elles diversifient leurs sources, relocalisent certaines étapes de production et explorent de nouveaux relais de croissance dans des zones moins dépendantes du dollar, comme l’Inde ou le Brésil. Ces marchés émergents apparaissent comme des alternatives crédibles, capables d’amortir une partie de la volatilité internationale.
👁️ L’œil de l’expert : le temps de l’action
La France et ses entreprises se trouvent à un tournant. Entre instabilité politique interne et pressions externes, le pays ne peut plus se contenter d’attendre que la tempête passe. Les signaux envoyés par les marchés – hausse des taux, défiance monétaire, crispations commerciales – sont autant d’avertissements.
Sans réformes structurelles rapides pour renforcer sa compétitivité, sécuriser ses chaînes de valeur et clarifier sa trajectoire budgétaire, la France risque de perdre son rang au sein des économies majeures.
Comme le résume un exportateur :
Il faut naviguer comme un voilier en quête de vents favorables.
Mais encore faut-il que Paris et Bruxelles s’accordent enfin sur un cap clair.