C’est une petite révolution dans le quotidien financier des Français. À partir du 20 novembre 2026, les conditions d’octroi des découverts bancaires vont profondément évoluer, en application d’une directive européenne sur la solvabilité des clients.
Cette réforme, passée presque inaperçue, suscite de vives inquiétudes dans le secteur. La station RTL reprend les propos du président de la Fédération bancaire française (FBF) et du Crédit Mutuel, Daniel Baal, qui dénonce une mesure “inadaptée et disproportionnée” au micro de RTL, estimant qu’elle “compliquera la vie de nombreux ménages” mais aussi celle des “conseillers bancaires”.
Derrière cette déclaration, c’est tout un équilibre économique qui vacille : celui entre la gestion du risque pour les banques et le besoin de trésorerie de millions de Français vivant parfois à découvert plusieurs jours par mois.
💶 Le découvert, un levier de trésorerie menacé
Instrument souple mais vital, le découvert autorisé agit comme une respiration financière pour de nombreux foyers. Il permet à un client d’avoir temporairement un solde négatif, moyennant des intérêts débiteurs — une source de revenus non négligeable pour les établissements bancaires.
Mais cette pratique va être encadrée plus strictement. Les banques devront désormais vérifier plus précisément la solvabilité de chaque client avant d’autoriser le découvert.
En clair : un contrôle renforcé, plus administratif et plus long, qui pourrait réduire le nombre d’autorisations accordées. “Ce texte, qui vient du haut, est complètement inadapté et disproportionné”, a dénoncé Daniel Baal sur LinkedIn.
Conséquence directe : davantage de clients risquent de se voir refuser ou restreindre leur découvert, notamment les ménages à revenus irréguliers, les travailleurs indépendants ou les jeunes actifs.
Or, selon la Banque de France, près d’un quart des Français utilise son découvert au moins une fois par mois. Une réalité sociale que cette réforme pourrait bousculer de plein fouet.
Un impact économique double
Pour les ménages, la suppression ou la réduction du découvert signifie moins de souplesse budgétaire et davantage de tensions sur la trésorerie du quotidien (courses, factures, loyers).
Pour les banques, c’est aussi la fin d’une source de revenus significative, les intérêts débiteurs représentant plusieurs centaines de millions d’euros de marge annuelle.
En somme, une mesure pensée pour protéger les consommateurs pourrait, paradoxalement, resserrer encore l’accès au crédit à court terme.
🇪🇺 Une réforme européenne aux effets collatéraux
Cette évolution découle d’une volonté européenne d’harmoniser les pratiques de crédit à la consommation et de limiter le surendettement. En imposant un examen plus poussé de la capacité de remboursement, Bruxelles espère éviter que le découvert ne devienne un crédit caché, prolongé indéfiniment par certains clients.
Mais pour le secteur bancaire français, cette logique est déconnectée des réalités du terrain. “Nous ferons le maximum pour limiter ses impacts négatifs”, a assuré Daniel Baal, tout en alertant sur la complexité administrative que cela engendrera pour les agences.
Des conseillers sous pression
Les chargés de clientèle devront désormais justifier chaque décision d’octroi de découvert. Cette lourdeur pourrait détériorer “l’expérience client”, déjà mise à mal par la dématérialisation des services bancaires.
De nombreux acteurs du secteur y voient un risque de désintermédiation accrue : les clients en difficulté pourraient se tourner vers des solutions de financement alternatives, souvent plus coûteuses et moins sécurisées (crédits à la consommation, plateformes de microcrédit ou fintechs).
Une France vulnérable
Dans un contexte où près de 15 % des foyers français déclarent rencontrer des difficultés à boucler leurs fins de mois, le découvert bancaire reste un amortisseur social discret.
La réforme, en resserrant les critères d’accès, pourrait donc fragiliser les ménages les plus exposés à l’inflation et à la hausse des charges fixes.
En d’autres termes, ce qui se voulait une mesure de prudence pourrait devenir un facteur d’exclusion financière supplémentaire.
👁️ L’œil de l’expert
Le durcissement des règles d’ici 2026 marque sans doute la fin d’une ère : celle d’un système bancaire plus humain, plus souple, capable d’accompagner les imprévus du quotidien. D’ici là, les établissements devront repenser leur offre, inventer de nouveaux produits de trésorerie, et surtout préserver le lien de confiance avec leurs clients.
Car si le découvert disparaît tel qu’on le connaît, c’est une certaine culture bancaire française — fondée sur la proximité et la confiance — qui risque de s’éteindre avec lui.





