Courtepaille : la renaissance compromise d’une icône de la restauration à la française
Symbole des repas familiaux au bord des nationales, Courtepaille est aujourd’hui confrontée à une réalité implacable : sa popularité d’antan ne garantit plus son succès commercial. Née en 1961, la chaîne est devenue, au fil des décennies, un marqueur du paysage gastronomique routier. Mais les évolutions rapides des modes de consommation et les bouleversements économiques ont mis à mal ce modèle vieillissant. Malgré plusieurs tentatives de relance, la marque se débat pour retrouver un second souffle. Le groupe angevin Baudaire, nouveau propriétaire depuis 2022, croit en son potentiel et entend en moderniser l’image. Mais l’équation s’annonce complexe.
🛖 Héritage encombrant et défis structurels : le poids d’un passé glorieux
Courtepaille évoque une époque révolue, celle où la classe moyenne française découvrait les vacances motorisées, où les commerciaux faisaient halte pour un déjeuner au grill. « Toute une époque », selon l’expression d'usage, qui résume bien le problème fondamental : la marque, forte de son identité visuelle (toit en chaume, barbecue central, salle circulaire), n’a pas su s’adapter à la transition des usages.
Depuis les années 1990, les changements d’actionnaires se sont enchaînés, avec des fortunes diverses. En 2020, la chaîne est rachetée par Buffalo Grill, mais l’épidémie de Covid-19 force les établissements à fermer, précipitant une nouvelle chute. Deux ans plus tard, elle passe entre les mains du groupe Baudaire, propriétaire de La Boucherie, solide acteur avec 230 établissements et 3.000 salariés.
Mais l’héritage est lourd : positionnement essentiellement carnassier (grillades, andouillette, jambon braisé) à l’heure où la consommation de viande rouge chute significativement en France (-3,7 % en 2023 selon le Ministère de l’Agriculture), implantation majoritairement en périphérie ou le long des nationales désertées par les familles, et perte d’attractivité face à la montée en puissance de la livraison à domicile pour la clientèle professionnelle.
⚙️ Refonte stratégique et modernisation ciblée : l’ambition d’un renouveau
Le plan de relance mis en œuvre par Baudaire repose sur une double stratégie : moderniser l’esthétique des restaurants tout en ravivant les marqueurs historiques de la marque. L’établissement de Beaucouzé, près d’Angers, sert de vitrine pilote pour ce renouveau : teintes terracotta, design chaleureux, grill central mis en valeur, et carte recentrée autour de plats traditionnels revisités comme l’œuf mayo version bouillon parisien ou le retour de la fameuse salade d’accueil.
Les premiers résultats sont encourageants : +20 % de chiffre d’affaires et une clientèle visiblement plus jeune. L’objectif affiché est ambitieux : passer de 60 à 100 restaurants d’ici 2030. Une trajectoire qui suppose de convaincre une génération nouvelle, moins attachée aux codes de la restauration routière et davantage séduite par les offres thématiques (street-food japonaise, burgers gourmet, fast-good mexicain, etc.).
Cette diversification de la concurrence s’est accompagnée d’un changement radical de comportement des consommateurs. Là où Courtepaille tablait sur une fréquentation mixte (familles le week-end, professionnels le midi), elle doit désormais faire face à un public qui se fait livrer ou préfère des concepts plus contemporains, souvent urbains, plus rapides, plus flexibles.
👁 L'œil de l'expert : Courtepaille, entre résilience patrimoniale et adaptation urgente
La tentative actuelle de redynamisation de Courtepaille témoigne d’une volonté réelle de préserver une marque emblématique, mais elle se heurte à une mutation profonde de la restauration. Comme le souligne implicitement l’évolution de la carte et du design, c’est moins une révolution qu’une opération de réconciliation entre passé et présent que tente Baudaire.
Pour qu’un avenir soit possible, la chaîne devra poursuivre ses efforts d’innovation, tout en acceptant de se défaire de certains éléments trop figés de son identité. L’enseigne a les moyens humains et financiers pour réussir, mais son salut dépendra de sa capacité à se repositionner comme une alternative crédible, conviviale et qualitative face à un marché en pleine transformation. En somme, il ne s’agit plus seulement de moderniser un décor, mais bien de repenser l’expérience client dans son ensemble.
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